Qui suis-je ? Quel est mon identité, mon pedigree, mon label individuel et personnel ? Nada. Basta. Aujourd'hui, je n'ai ni envie ni besoin d'être dénommé ou identifié. Car on ne sort de son mystère voire de son ambiguïté qu'à ses dépens. Je n'ai surtout plus envie ni besoin d' "être" homo ou gay ou quelque qualificatif qu'on voudra. Surtout pas "en être", ni appartenir à aucune tribu ni à quelque chapelle que ce soit. Car je ne "suis" plus homo, ouf ! même si demeurent inchangées mes préférences (homo)érotiques. Certes, le désir est sexué (quand le plaisir, lui, est unisexe) mais ce n'est pas le désir qui identifie un être humain, pas plus que la croyance religieuse ou l'appartenance politique. Ce genre d'amalgame m'est devenu odieux et insupportable, surtout fallacieux. Il faut cesser de se payer de mots, de jongler avec les étiquettes, de faire de manière terroriste des ratatouilles genrées et d'accumuler grotesquement les initiales dénominatrices et toutes plus dominatrices les unes que les autres : L, G, B, T, Q, R, S, T+ etc. Car l'identité ontologique est un leurre. La culture gay une construction sociale voire médiatique.Le "deviens qui tu es" un sophisme creux. À la rigueur, malgré son odieux relent pharmaceutique hérité du XIXe siècle, "homosexuel" peut désigner un qualificatif, comme "blanc", "droitier", "athée", "rouquin", etc. Mais jamais plus pour moi une assignation à identité personnelle, pire, une péremptoire dénomination ontologique. Ou une injonction sociale. Pas même une militance obligée... Il y une vingtaine d'années, mon coming-out fut aussi tonitruant que tardif. Certes, je ne regrette rien mais je suis aujourd'hui perplexe, dubitatif et, si c'était à refaire, je ne le referais pas. Ni envie ni besoin. Finis l'obsession narcissique et le suivisme communautaire. Ou plutôt mon seul besoin, si vraiment j'en ressentais un : devenir de plus en plus libre, désaliéné, non identifié, passe partout et passe muraille, pour partir à la conquête du Secret de mon être et de sa foncière incommunicabilité. Car c'est dit, mon petit moi n'intéresse que moi (à la rigueur et par intermittence !) et j'interdis désormais à quiconque de le nommer, de le désigner, de prétendre le cataloguer pour mieux l'apprivoiser et l'instrumentaliser.

Circulez, badauds bedonnants, il n'y a rien à voir ! Juste une ombre... une trace... une interrogation... la décence et la délectation du Silence.