Le sexe et l'érotisme dans les monastères féminins


Une importante précision avant d'entrer dans le vif du sujet, si je puis me permettre : je dois remercier un blogueur canadien pour ses citations historiques, enregistrées il y a 5 ou 6 ans dans mon vieil ordinateur. Une fois cet incunable retrouvé, j'ai beaucoup retravaillé et complété la contribution anonyme. Malheureusement, le lien sur la Toile a aujourd'hui disparu et le savant compilateur demeure pour moi inconnu. S'il se reconnaît ici, qu'il soit infiniment remercié – et honoré – puisqu'il convient de rendre à César ce qui lui appartient. Encore une précision qui a son importance : mon terrain d'observation sera exclusivement les monastères féminins, même s'il y aurait beaucoup à dire et à écrire concernant les Franciscains amateurs de soubrettes ou les Jésuites et leur réputation sulfureuse en matière de pédérastie… éducative !

Plus les règles imposées dans les communautés sont sévères, plus la perversion tend à impliquer à la marge leurs composants dans une alternance de parfums de roses et d'exhalaisons de soufre que l'Eglise a longtemps attribuées à l'action des démons. Un seul recours alors, avant l'invention de la psychanalyse par papy Sigmund : les pratiques de l'exorcisme pour le plus grand plaisir des confesseurs voyeurs autant que tortionnaires. Bien sûr, ami(e) internaute, j'anticipe ton objection : toutes les religieuses ne sont pas des nymphomanes ! Certes, j'en conviens volontiers et ce constat me rassure. Il n'empêche, ce sont celles-ci que l'Eglise, après avoir suscité de l'intérieur leur vice secret, a béatifiées et canonisées, les présentant urbi et orbi comme modèles d'ascèse et d'amour christique ! Là est proprement la perversion intime de l'institution chrétienne, sa pathologie foncière, sa relation névrotique autant que catholique avec la sexualité et c'est ce que je voudrais pouvoir développer ici aujourd'hui et demain. Ce pourrait être assez comique, c'est en fait plutôt consternant.




La Transverbération de sainte Thérèse d'Avila, par le Bernin
(Chapelle Comaro, Santa Maria della Vittoria, Rome.)


Visitons ensemble cette longue galerie du mysticisme féminin détourné et dévoyé. Parmi l'infinité de cas reportés par les chroniques, je cite comme premier exemple, afin de démontrer l'obscurantisme inhérent à la religion chrétienne, le rapport signé par quatre évêques présents lors des exorcismes effectués dans le couvent d'Auxonne : " Les religieuses vomissent d'épouvantables blasphèmes durant les saintes messes et les rites effectués pour les libérer de la possession diabolique. Leurs corps sont marqués par des signes d'une certaine nature surnaturelle faits par les démons. Les sœurs assument durant les exorcismes des positions qui pour être effectuées nécessitent une force surhumaine, comme se prosterner par terre avec la pointe du ventre alors que le corps courbé s'étend en l'air, ou bien plié en cercle au point que la tête touche la pointe des pieds ".

Et encore : " Dans le couvent de Nazareth à Cologne, les religieuses s'allongeaient par terre et, comme si elles avaient un homme sur elle, répétaient les mouvements du coït ".

Dans le couvent de la Louvière en Belgique, " les orgies collectives se consommaient dans une alternance d'extases, durant lesquelles les sœurs à genoux invoquaient Jésus, et des crises neurasthéniques lors desquelles elles offraient les parties postérieures découvertes au Démon qui sollicitait à les posséder ".

Après nous être brièvement arrêtés sur ces délires psychiques, examinons maintenant ceux qui, dans le comble d'une effronterie sans limites, ont transformé des crises épileptiques en extases sanctifiantes méritant la canonisation et la dévotion des foules ignorantes. Car c'est sans aucun doute cela qui est le plus grotesque et le plus choquant de la part de la hiérarchie catholique, ce tour de passe-passe posthume : via l'auréole, un label accordé à l'aliénation religieuse !

Prenons pour commencer Sainte Marguerite Marie Alacoque qui, après avoir fait vœu de chasteté à quatre ans et être entrée au couvent à huit, commence à entretenir ses premiers contacts extatiques avec Jésus, " son fiancé ", à l'âge de quinze ans.

Extraits tirés de sa biographie :

1 " Quand j'étais face à Jésus je me consommais comme une bougie dans le contact amoureux que j'avais avec lui ".

2 " J'étais d'une nature si délicate que la moindre saleté me soulevait le cœur. Jésus me réprimanda si énergiquement pour ma faiblesse que je réagis contre elle avec une si forte décision qu'un jour je nettoyai avec ma langue le plancher sale du vomissement d'une malade. Il me fit éprouver tellement de délice lors de cette action que j'aurais souhaité avoir l'occasion pour pouvoir le faire tous les jours ". (Masochisme de délire hystérique)

3 " Une fois que j'avais démontré une certaine répugnance au moment de servir une malade de dysenterie, Jésus me réprimanda si sévèrement que, afin de réparer, je me remplis la bouche de ses excréments ; je les aurais avalés si la Règle n'interdisait de manger hors des repas. " (Idem)

4 " Un jour que Jésus se mit sur moi avec tout son poids, il répondit de cette façon à mes protestations : ‘'Laisse que je puisse user de toi selon mon plaisir car chaque chose doit être faite à son temps. Maintenant je veux que tu sois l'objet de mon amour, abandonnée à mes volontés, sans résistance de ta part, afin que je puisse jouir de toi.'' ". (Coït vécu physiquement par le moyen de l'imagination délirante).

La répétition alternée d'actes de masochisme et d'extases durant lesquelles Marie Alacoque vivait de la manière la plus charnelle les accouplements avec Jésus, qu'elle appelait " mon fiancé ", furent tellement fréquents qu'ils la rendent, d'après les psychologues, un cas classique d'érotomanie hystérique.

Incroyable mais vrai, l'Église, profitant de la crédulité et de l'ignorance humaine, a inventé le culte du Sacré-Cœur (!) en se basant sur les affirmations d'une nymphomane dont les extases révélatrices ne sont rien d'autre, dans la réalité des faits, que des crises cataleptiques provoquée par une absolue répression sexuelle.Et comme cela arrivait à d'autres saintes mystiques, la Madone apparaissait continuellement à Marguerite Alacoque.

5 " La sainte Vierge m'apparaissait souvent en me faisant des caresses inexplicables et en me promettant sa protection ".

Cette intromission de la Madone dans les rapports amoureux entre les saintes et Jésus trouve une justification dans le besoin qu'elles avaient d'avoir le consentement de la mère de celui qu'elles aimaient d'une façon clandestine par le moyen de leurs extases. La relation amoureuse avec son caractère sexuel et donc coupable, leur donnait un complexe de culpabilité dont elles essayaient de se libérer, afin de pouvoir jouir pleinement de leurs accouplements extatiques, non seulement en obtenant le consentement de la mamma de leur amant mais aussi en le rendant public par le moyen de leurs autobiographies. Ces biographies étaient leurs catharsis, c'est-à-dire la libération d'un sentiment de culpabilité, qu'elles utiliseront comme une confession libératoire dans laquelle elles décrivent tous les détails de leurs orgasmes christiques en en faisant ainsi de vrais traités de pornographie « spirituelle ».



Sainte Marie de l'Incarnation, autre groupie, après avoir sollicité Jésus, son époux, à s'unir avec elle avec des paroles qui ont vraiment très peu empreintes de spiritualité, soupire tendrement : " Alors, mon amant adoré, quand est-ce que nous ferons cet accouplement ? " Ainsi raconte-t-elle dans sa biographie ce qu'elle éprouvait dans l'hystérie de ses extases " Lors des ravissements il me semblait avoir à l'intérieur de moi des bras que je tendais pour embrasser celui que je désirais tant ".

Sainte Guyon, ascète et pénitente, écrit que lors d'une extase, Jésus l'avait portée dans un bois de cèdres où il y avait une chambre avec deux lits et à elle, qui lui avait demandé pour qui était le deuxième lit, il lui avait répondu : " L'un est pour toi, qui est mon épouse, et l'autre est pour ma mère ", et en se référant ensuite aux plaisirs sexuels qu'elle atteignait lors des extases, elle écrit encore dans son livre : " J'arrivais à posséder Jésus non pas de la façon que l'on entend spirituelle par le moyen de la pensée, mais de façon si tangible que je sentais la participation du corps de la manière la plus réelle ".

Quand ensuite elle retournait à la normalité, si l'on peut dire, en rendant le corps responsable de ses péchés, elle s'acharnait contre lui en s'infligeant les sévices les plus atroces : " Pour mortifier mon corps je léchais les crachats les plus dégoûtants… je mettais des petites pierres dans mes chaussures… je me faisais enlever des dents même si elles étaient saines… "

Extrait de la biographie de Sainte Angèle de Foligno : " (…) Durant les extases c'était comme si j'étais possédée par un instrument qui me pénétrait et se retirait en me déchirant la chair… J'étais remplie d'amour et rassasiée d'une plénitude inestimable… Mes membres se brisaient et se cassaient de désir alors que je languissais, languissais, languissais… Ensuite, lorsque je revenais de ces ravissements d'amour, je me sentais si légère et satisfaite que j'aimais même les démons… ". (Très belle description de la tranquillité des sens qui suit l'orgasme !).

Angèle était tellement consciente que les plaisirs qu'elle éprouvait durant l'extase étaient de nature sexuelle qu'elle-même déclare être la victime d'un " vice que je n'ose pas nommer ", un vice de concupiscence duquel elle essayait de se libérer en se mettant " des charbons ardents sur le vagin pour éteindre les chaleurs ".

Sainte Rose de Lima afin de pouvoir vivre les plaisirs sexuels le plus librement possible hors culpabilité, comme si le fait de subir sa peine avant pouvait l'autoriser à commettre ensuite le délit, punissait son corps avant les extases avec des sévices qui heurtent le bon sens : " Malgré le fait que le confesseur l'exhortait à ne pas exagérer, elle réussit à se donner cinq mille coups de fouet en quatre jours … " Est-ce elle qui a inventé le raffinement des pratiques SM !




Image extraite des DIABLES, film de Ken Russel (1971)

Quant à Sainte Jeanne des Anges, ce fut elle, en tant que supérieure d'un couvent des Ursulines à Loudun, qui avec ses extases répétées transmit de l'hystérie à toute la communauté.

Extrait d'une chronique de l'époque : " Toutes les religieuses du couvent des Ursulines de Loudun, où était supérieure Mère Jeanne des Anges, se mirent à hurler, à baver, à se dévêtir en se montrant dans leur complète nudité ".

Un certain Robbyns, chroniqueur de cette époque, présent lors de l'une de ces crises collectives, dans la description qu'il effectue des faits, s'arrête sur un détail : " Sœur Clara tomba au sol et dans un état de transe absolu continua à se masturber en criant : " baisez-moi, baisez-moi… " jusqu'au moment où, ayant pris un crucifix, l'utilisa d'une façon que ma pudeur m'empêche de raconter ".



Image extraite des DIABLES, film de Ken Russel (1971)

Un certain père confesseur, nommé Surin, chargé par l'évêché de pratiquer les exorcismes dans le couvent, très bientôt fut lui aussi tellement impliqué dans ces orgies qu'il écrit : " Ma langue dégustait Dieu comme lorsque je bois le vin muscat ou je mange les abricots ". (Je ne crois pas qu'il faille beaucoup d'explications pour comprendre où le confesseur cherchait Dieu… du bout de la langue !)

Père Surin fut remplacé par un autre prêtre exorciste appelé Ressés, lequel, résistant à toute tentation, réussit à libérer le couvent des démons. Comme preuve de l'exorcisation réussie, l'interruption de la grossesse de la même supérieure Jeanne des Anges dont il disait qu'il l'avait fait avorter en la libérant du démon avec de l'eau bénie.


Étant donné qu'elle affirma avoir été guérie par Saint Joseph qui lui était apparu pendant l'exorcisme, l'Église, saisissant la balle au bond, réussit à transformer les orgies sexuelles du monastère de Loudun en manifestations miraculeuses. Les bandes et les chiffons utilisés par Jeanne des Anges pour soigner les blessures produites par ses flagellations, transformés en objets bénis, furent utilisés pour traiter les malades qui commencent à affluer au couvent en pèlerinages organisés. Loudun bien avant Lourdes et Fatima ! Des tampax sanguinolents en guise de sextoy ou de cataplasmes !

Considérée désormais une Sainte guérisseuse, Jeanne des Anges se mit à parcourir la France pour guérir les infirmes et la renommée qu'elle obtint fut si grande que le Cardinal Richelieu en personne l'invita auprès de lui afin de se faire soulager des fortes douleurs que lui provoquaient ses… hémorroïdes. Dans une chronique de l'époque on affirme que parmi les nombreuses personnalités qui reçurent un don de cette Jeanne des Anges, il y eut aussi Anne d'Autriche, laquelle, souffrante à cause d'un accouchement compliqué, se sentit soulagée en touchant un morceau de sa chemise. C'est ainsi que, en utilisant l'art de la mystification, l'Église réussit encore une fois à détourner l'eau bénite pour son propre moulin (à prières), en transformant en sainteté thérapeutique une hystérie produite par la répression sexuelle dirigée par l'Eglise elle-même. Parfait cercle vicieux ! L'anthropologie viciée du christianisme génère ses propres débordements qui sont ensuite pieusement recyclés pour le peuple. Mais peut-être est-ce ainsi que les voies du Seigneur sont impénétrables et la morale sauve ?


(À SUIVRE. Demain : Sainte Thérèse d'Avila et son "long dard en or" !)




Œuvre exposée à Madrid
(OBSCENITY de Bruce LaBruce)