Hier soir, l'un de mes fils m'envoie un long courriel (ce qui est rare !), un brin mélancolique au début, apaisé et confiant à la fin. Cet homme jeune, père depuis peu, avait tout simplement besoin d'écrire, de se servir de mots pour dire à son père qu'il l'aimait, sans conditions, avec ses qualités et ses défauts. C'est formidable, non ? LOL, comme il écrit lui-même. Et mon correspondant joignait à son courrier huit magnifique photographies : 6 du merveilleux enfançon encadrées de part et d'autre par des portraits de son père et de sa mère attendris.

Par pudeur, je ne citerai pas un mot du courrier de mon « grand », mais, lui envoyant lundi matin une photo ancienne nous unissant dans une tendre complicité, je lui ai confié cette réflexion ainsi qu'un de mes plus beaux poèmes.



" Très jolie galerie, MERCI, fils. Mes préférées : les deux extrêmes car il s'agit de paternité, de tendresse, de passage de relais.

En soi, un petit d'homme n'est rien (!). Ce n'est que par la relation, la tendresse reçue, la confiance accordée, les talents (génétiques) patiemment mis au jour - ou corrigés !, qu'il se construit peu à peu, s'assouplit, se nuance, s'élance... pour parvenir en quelque vingt ans à conquérir (si possible en douceur) son indépendance. Renaître sans renier quiconque (père ou mère) ou, pire, se renier soi-même, renier ses rêves de gosse par paresse, par conformisme, par conformité aux règles de la Tribu ou au moule social.

En document joint, cette photo (février 1983) que j'ai trafiquée pour traduire ma pensée du jour : quand on regarde une image, surtout 28 ans plus tard, on reconstitue avec difficulté sa propre psychologie de l'époque, son état d'âme du moment, les questions à l'intérieur de soi, ou l'absence de questions tant le bonheur, pardon, le bien-être est... était évident. Car les photos, aussi belles soient-elles, ne "parlent" pas, pas plus que notre mémoire (help ! Proust !). Parfois, les clichés se gondolent, jaunissent, pâlissent... mais, plus sûrement que dans notre disque dur mémoriel, c'est dans le cœur, dans nos tripes que le bonheur laisse des empreintes, cicatrices, parfois stigmates. Une sorte de patine que rien ne peut plus récuser et qui luit doucement dans la pénombre, qu'on aime caresser du bout de l'index, tendrement, mais sans s'attarder, de peur de la ternir.

Mais ici, apparemment, si j'en crois les battements de mon jeune vieux cœur, dans le jardin de papy, à l'approche du printemps, c'était que du bonheur lol !(...)

Bises à tous les trois.
Et courage pour les deux vaillants Archers !


Parlez-nous des enfants


Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit,
Parlez-nous des Enfants.

Et il dit :
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même.
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s'attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.

Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie ;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.



Khalil Gibran, Le prophète