L’ORIENT DES FEMMES (4)
Par Michel Bellin le vendredi 15 avril 2011, 08:12 - Lien permanent
Ce matin, je veux terminer en beauté cette présentation de l'exposition L'orient des femmes au musée du quai Branly. Fermant les yeux, suspendant mon souffle, j'ai cherché dans ma mémoire amoureuse les deux premières évocations suggérant spontanément le charme subtil et vénéneux des belles Orientales. Eureka ! Aussitôt – alors que le trésor est sans fond – les roses d'Ispahan ont fleuri au beau milieu du bain turc. Merci à Ingres et à Leconte de Lisle, nos enchanteurs du jour !
Les roses d'Ispahan
Les roses d'Ispahan dans leur gaine de mousse,
Les jasmins de Mossoul, les fleurs de l'oranger
Ont un parfum moins frais, ont une odeur moins douce,
Ô blanche Leïlah ! que ton souffle léger.
Ta lèvre est de corail, et ton rire léger
Sonne mieux que l'eau vive et d'une voix plus douce,
Mieux que le vent joyeux qui berce l'oranger,
Mieux que l'oiseau qui chante au bord du nid de mousse.
Mais la subtile odeur des roses dans leur mousse,
La brise qui se joue autour de l'oranger
Et l'eau vive qui flue avec sa plainte douce
Ont un charme plus sûr que ton amour léger !
O Leïlah ! depuis que de leur vol léger
Tous les baisers ont fui de ta lèvre si douce,
Il n'est plus de parfum dans le pâle oranger,
Ni de céleste arome aux roses dans leur mousse.
L'oiseau, sur le duvet humide et sur la mousse,
Ne chante plus parmi la rose et l'oranger ;
L'eau vive des jardins n'a plus de chanson douce,
L'aube ne dore plus le ciel pur et léger.
Oh ! que ton jeune amour, ce papillon léger,
Revienne vers mon cœur d'une aile prompte et douce,
Et qu'il parfume encor les fleurs de l'oranger,
Les roses d'Ispahan dans leur gaine de mousse !
Charles Leconte de Lisle (1818-1894)