D'où est venue l'idée de cette exposition ?

Pour moi, l'aventure a débuté il y a trois ans… Les réserves du musée regorgent de trésors qui ne demandent qu'à revivre. Devant ces magnifiques costumes du Proche-Orient, témoins d'un passé toujours vivace, l'envie m'est venue d'une exposition différente, loin d'une vision ethnologique et nostalgique, où les pièces sont présentées dans des vitrines.

Pourquoi cette volonté de ne présenter que des costumes de femmes d'origine modeste, des villageoises ou des Bédouines ?

Parce que ces pièces, inédites pour la plupart, révèlent au public des traditions vestimentaires populaires très riches et méconnues. Dans les villes, les femmes ont très vite abandonné les tenues traditionnelles au profit de costumes occidentaux. En revanche, quand les voyageurs du siècle dernier ont découvert ces costumes, comme l'a dit le géographe Jacques Weulersse : « Ils s'attendaient à des vêtements de pauvres paysannes, ils ont découvert des costumes de ballerines d'Opéra ! »



Pourquoi montrer la vie des femmes d'Orient à travers leurs vêtements ?


Pour ces femmes, l'art de se vêtir et de se parer avait valeur de langage, de marqueur social, d'indicateur géographique. Chaque région, chaque village même, avait son propre motif de broderie. Une femme pouvait broder jusqu'à douze robes dans sa vie et tous les accessoires de son trousseau. L'exposition rend hommage à l'art millénaire de la broderie et de la teinture (l'indigo entre autres) que les femmes se transmettent, jusqu'à aujourd'hui, de mères en filles.

Comment avez-vous préparé cette exposition ?

Pour cette exposition, le musée du quai Branly a fait l'acquisition d'une trentaine de pièces, robes, manteaux, coiffes, voiles et différents accessoires. Pour compléter ma sélection et enrichir le parcours muséographique, j'ai décidé de faire appel à des collectionneurs privés et en particulier à Madame Widad Kawar, qui possède en Jordanie, l'une des plus exceptionnelles collections de costumes et de parures du Proche-Orient.

De quelle façon avez-vous collaboré avec Christian Lacroix, directeur artistique de l'exposition ?

Nous avons travaillé ensemble au choix des pièces exposées, puis Christian Lacroix a imaginé une scénographie poétique et colorée. En entourant la mezzanine d'une frise de taffetas imprimé et en revêtant le sol de « tapis volants », il a transformé l'espace en un écrin précieux pour abriter ces somptueuses robes. De plus, il a dessiné les coffres qui faisaient office, dans le passé, de garde-robe de la mariée. Pour moi, cette collaboration représente une expérience très enrichissante. Après une première rencontre formelle, nous avons enchaîné les séances de travail dans les réserves du musée où Christian Lacroix a découvert les collections textiles avec surprise et admiration. C'est un Méditerranéen, sensible à ces cultures et aux travaux de broderies que l'on retrouve dans ses créations.



Interview réalisée par le magazine Version Femina.