Jusqu'au XVIIIe siècle, rares sont les voyageurs qui osaient s'aventurer au-delà des rives européennes de la Méditerranée. Au XIXe siècle, l'avènement du chemin de fer et des bateaux à vapeur leur ouvre toutes grandes les portes de l'Orient. Nombreux sont les écrivains et artistes qui entreprennent des périples dans cet espace levantin, de l'Egypte à la Turquie ottomane en passant par la Palestine et la Syrie. Dans les villes, les femmes voilées, mystérieuses et inaccessibles, échappent à leur vision curieuse et font naître chez eux bien des fantasmes.

Pour beaucoup, ce voyage en Orient s'apparente à un retour aux sources. Ils l'observent au filtre de l'Antiquité et de la Bible. Les belles paysannes qu'ils croisent, portant la jarre d'eau sur leur tête, ressemblent aux Cariatides de l'Acropole. Ils sont sensibles à la beauté des Bédouines, vêtues d'une tunique bleue aux manches s'évasant comme de grands calices de fleurs, semblant tout droit sorties d'une mosaïque byzantine. Quant aux femmes aperçues aux fontaines de Nazareth ou à Bethléem, elles « sont les mêmes qu'au temps de Jacob ».

Ces femmes « mythiques » dont parlent les voyageurs sont celles-là même dont les robes sont présentées au musée des Arts Premiers. Des robes chargées de signes multiples, des « robes écrites » qui racontent un art de vivre, une manière d'être…

Ces costumes traditionnels de paysannes et de Bédouines nous viennent du désert du Sinaï, de Jordanie, de Palestine et de Syrie, pays constituant le fameux « Croissant fertile » qui, jusqu'à 1920, ne connaissaient aucune frontière. Chaque région a élaboré un costume qui possède ses caractéristiques propres. Dans les villages, des générations de femmes ont brodé, avec passion, dextérité et surtout beaucoup de patience les robes, les voiles, les coiffes, les coussins, les étuis à fards et autres objets qui composent leur trousseau.

[A suivre demain avec un entretien avec Hana Al Banna-Childia]