Ce matin, avant de partir au travail, je me suis récité à mi-voix ce poème d'Alfred de Musset. C'est vrai qu'il est des heures harmonieuses où tout va pour le mieux, où la vie paraît belle : la nature, la paix de l'âme, le bien-être simple et décroissant, les affections paisibles et l'Ami qui revient bientôt. Durant ces heures exquises, je ne me sens ni jeune ni vieux, ni riche ni pauvre : intemporel. Léger. Infiniment disponible et heureux. Et j'aime modifier ainsi la fin du poème :

« … Il est doux de fêter les dieux de la jeunesse,

De couronner de fleurs son verre et sa liesse,

D'avoir vécu tant d'ans comme Dieu l'a permis,

Et, si vieux déjà, d'être de jeunes amis.
»



À un ami

Qu'il est doux d'être au monde, et quel bien que la vie !
Tu le disais ce soir par un beau jour d'été.
Tu le disais, ami, dans un site enchanté,
Sur le plus vert coteau de ta forêt chérie.

Nos chevaux, au soleil, foulaient l'herbe fleurie :
Et moi, silencieux, courant à ton côté,
Je laissais au hasard flotter ma rêverie ;
Mais dans le fond du cœur je me suis répété :

- Oui, la vie est un bien, la joie est une ivresse ;
Il est doux d'en user sans crainte et sans soucis ;
Il est doux de fêter les dieux de la jeunesse,

De couronner de fleurs son verre et sa maîtresse,
D'avoir vécu trente ans comme Dieu l'a permis,
Et; si jeunes encore, d'être de vieux amis.


ALFRED DE MUSSET
(1810-1857)