Ce matin au lever, avant de partir prendre l'avion du retour, j'ai médité ces quelques lignes qui me sont d'un grand réconfort au moment de la séparation :


L'amitié délivre de la parenté même si elle s'en fait l'alliée, elle délimite un espace d'expansion et d'élection où s'inventent d'autres règles. Même dans les sociétés où le lignage prime, l'amitié est aussi le refuge du secret de l'individu et de ses affinités : les amitiés intenses existent quand les relations familiales peuvent paraître étouffantes.

Amitié et amour furent souvent complémentaires. L'amitié révélait davantage la vertu et les qualités intrinsèques de l'individu que l'amour, qui lui faisait perdre la tête. On peut aimer sans retour, mais l'amitié est mutuelle. L'amour passion se donne éperdument au risque de la dissymétrie, l'amitié vit une réciprocité apaisée.

Faut-il voir dans l'amitié un sentiment tempéré ? Pourtant il peut exister de la fougue dans l'amitié, il suffit de lire des correspondances amicales pour s'en rendre compte. La domestiquer dans une morale de patronage, l'attiédir par des comportements modérés et des sentiments mesurés, rassure peut-être les éducateurs mais lui fait perdre son sel. L'ethnologie et l'histoire de l'amitié nous parlent de passion et de ferveur, d'une valeur absolue, qui dispensent des compromissions d'une sociabilité plaisante mais sans enjeu.”

Extrait d'Une histoire de l'amitié, Anne Vincent-Buffault, Bayard, 2010.