A Fujairah, de bon matin, il fait déjà 35°, l'humidité ambiante excède les 60%. La nuit fut longue et reposante, malgré le ronronnement de la climatisation. Dix heures d'affilée ! Mais à 8 heures, il n'était déjà plus possible d'aller prendre le café au pied de l'acacia, sous les croassements de la famille corbeau qui n'aime pas qu'on empiète sur son territoire. Le ciel est lumineux mais plombé, la mer lisse et à l'horizon, comme d'habitude, les pétroliers patientent sagement avant de gagner le détroit d'Ormuz.

Face au bureau où je rédige ce billet, j'aperçois au travers du vitrage deux minuscules colibris qui font du sur place , à peine gros comme un poing de bambin. La cour ensoleilldéjà ruisselante de soleil a hélas perdu toutes les fleurs (hibiscus, bougainvillées, roses du désert…) qui en constituent l'habituel ornement. Ce n'est pas la saison.





Quand l'Ami sera de retour après sa réunion de chantier, nous irons faire des courses à l'hyper market Lulu. Cet endroit me plaît autant qu'il me fascine : si le principe de la consommation est le même qu'en Europe, la couleur locale ajoute une note de pittoresque tandis que l'absence de stress est un vrai bonheur ici ; surtout ces autochtones voilées, apparemment assez aisées pour remplir leurs caddies à ras bord, toutes élégantes et racées. Elles me réconcilient avec la grâce et le mystère, en un mot la vraie féminité. Peu de grosses femmes ici, des formes longilignes et fluides ; et le niqab omniprésent qui ne gêne absolument personne. Parfois, pour détailler l'étiquette d'un produit, gêné par son voile, l'élégant fantôme appelle un vendeur qui fort galamment renseigne l'acheteuse. J'imagine leurs convictions, leur révolte à toutes et à tous, leur dégoût viscéral à la simple pensée de ces étrangères qui par leur impudeur, par leur dévergondage public, minijupes ou pantalons moulants, harcellent sans répit le désir des mâles en offensant la pudeur d'Allah.

« Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage » disait Montaigne.