Pierre Loti a donc fait étape dans l'actuelle capitale du sultanat d'Oman. Il y fait la connaissance – et subit le charme ! – de l'Iman-Sultan, personnage à la fois altier et cordial, drapé de fine laine et d'élégance altière.




Pierre Loti en Arabe

« La plus haute des maisons closes qu'en arrivant nous avions vues, presque baignées dans la mer et y mirant leurs blancheurs, c'était le palais du Sultan.

Quelqu'un vêtu d'une robe blanche et drapé d'un burnous brun à glands d'or ; de grands yeux très beaux, un visage de trente ans couleur de bronze clair, aux traits réguliers et délicats, illuminés par un franc sourire de bienvenue : tel m'apparut, au seuil de sa demeure où il avait bien voulu descendre, cet iman-Sultan de Mascate, qui règne sur l'un des derniers Etats d'indépendance arabe, sur l'un des derniers pays où les cinq prières du jour ne sont jamais troublées par l'ironie des infidèles. Les ancêtres de cet homme étaient déjà des souverains nombre de siècles avant que fussent sorties de l'obscurité nos plus anciennes familles régnantes d'Europe ; il a donc de qui tenir son affinement aristocratique et son aisance charmante.La grande salle d'en haut, où il me fit asseoir, était déconcertante de simplicité dédaigneuse, avec ses murs uniment blanchis et ses sièges de paille ; mais elle donnait par toutes les fenêtres sur le bleu admirable de la mer d'Arabie, avec ses beaux voiliers au mouillage et la flottille immobile des pêcheurs de perles.

- Autrefois, me disait le Sultan, on voyait souvent à Mascate des navires de France : pourquoi ne viennent-ils plus ?Hélas ! Que répondre ? Comment lui donner les raisons complexes pour lesquelles, depuis quelques années, notre pavillon a presque absolument disparu de la mer d'Arabie et du golfe Persique, nos navires peu à peu remplacés par ceux de l'Angleterre et de l'Allemagne ?...

Le Sultan ensuite, d'accord avec notre consul, voulut bien de proposer de m'arrêter ici quelques jours, et c'était une manière de témoigner sa sympathie pour notre pays, cet accueil au voyageur français qui passait. J'aurais eu des chevaux, des escortes. On m'offrait d'aller vers l'intérieur, voir des villes mornes sous l'étincelante lumière, des villes où les Européens ne vont jamais ; de visiter les tribus des oasis, qui seraient sorties à ma rencontre en faisant des fantasias et en jouant du tambour. Et la tentation d'accepter me prit très fort, là, dans cette salle blanche où agissait sur moi la grâce aimable du souverain des déserts. Mais je me rendais en Perse, et je me souvins d'Ispahan où, depuis des années, je rêvais de ne pas manquer la saison des roses. Je refusai l'honneur, n'ayant pas de temps à perdre, puisque l'avril était commencé.Pour ce voyage de Perse, dont nous causions maintenant, le Sultan voulut me donner un beau cheval noir, à lui, qui gambadait par là sur la plage. Mais comment l'emmener par mer, et comment résisterait-il, ce coureur des plaines de sable, dans les terribles défilés qui montent à Chiraz ? Après réflexion, je dus refuser encore. »


In La Revue des Deux Mondes du 15 mars 1902

(A SUIVRE)


Promenade hier dans un fjord du Mussandam


Papa, maman et bébé dauphins font la course avec notre bateau !