Je viens de lire d'une traite « Boule de suif et autres histoires de guerre » de Maupassant (Livre de poche, Flammarion). Quel talent ! Quel enchantement ! Impossible de départager tous ces récits si bien menés, si sinistrement ou drôlement humains : Boule de suif bien sûr mais aussi Mademoiselle Fifi (en fait une peste d'officier prussien !), Le Père Milon, la Mère sauvage, le Lit 29, deux amis… C'est vraiment ce type de littérature qui me convient, sans aucun doute parce qu'elle correspond, par sa sobriété et sa concision, à ma Règle de vie : bref et intense. Et aussi parce que l'humour (et le cynisme) le partagent à la gravité.

La surprise la plus saisissante, ce fut à la page 240 : les toutes dernières lignes qu'a écrites Guy de Maupassant avant que la syphilis et la folie ne l'emportent quelques mois plus tard à 43 ans. Impossible de terminer son roman (ou sa nouvelle). Et, devant la page soudain blanche, je suis resté doublement sidéré, non seulement parce que le texte s'achève brutalement, sans ponctuation après le pronom mais aussi parce que ce que l'auteur écrit de l'Infâme correspond exactement à ce que je pense de l'ectoplasme sadique qui alimente les religions perverses et hante l'inconscient collectif - et dont il est si jouissif de se libérer. Même si ce n'est jamais tout à fait gagné et terminé puisque l'athée est un maniaque de Dieu qui voit partout son absence ! Je suis cet obsédé compulsif, jamais épuisé, jamais rassasié, amant dépité et bretteur professionnel car je n'ai pas besoin que Dieu existe, dit mon Julius, pour vouloir sans cesse et toujours m'en débarrasser !

IV

Éternel meurtrier qui semble ne goûter le plaisir de produire que pour savourer insatiablement sa passion acharnée de tuer de nouveau, de recommencer ses exterminations à mesure qu'il crée des êtres. Eternel faiseur de cadavres et pourvoyeur de cimetières, qui s'amuse ensuite à semer des graines et à éparpiller des germes de vie pour satisfaire sans cesse son besoin insatiable de destruction. Meurtrier affamé de mort embusqué dans l'Espace, pour créer des êtres et les détruire, les mutiler, leur imposer toutes les souffrances, les frapper de toutes les maladies, comme un destructeur infatigable qui continue sans cesse son horrible besogne. Il a inventé le choléra, la peste, le typhus, tous les microbes qui rongent le corps, les carnassiers qui dévorent les faibles animaux. Seules, cependant, les bêtes sont ignorantes de cette férocité, car elles ignorent cette loi de la mort qui les menace autant que nous. Le cheval qui bondit au soleil dans une prairie, la chèvre qui grimpe sur les roches de son allure légère et souple, suivie du bouc qui la poursuit, les pigeons qui roucoulent sur les toits, les colombes le bec dans le bec sous la verdure des arbres, pareilles à des amants qui se disent leur tendresse, et le rossignol qui chante au clair de lune auprès de sa femelle qui couve ne savent pas l'éternel massacre de ce Dieu qui les a créés. Le mouton qui