J'ai suggéré hier l'homosensualité des péplums, belles œuvres classiques ou nanars italiens (la série des Maciste !). Eh bien, surprise surprise ! dans mon cahier à spirales retrouvé, pour un seul Christ chastement dénudé… 4 ou 5 dessins de femmes dépoitraillées, aguicheuses, le téton dressé et l'air modeste. Incroyable, non ?

Au dos d'une de ces icônes dignes de La marquise des Anges (dont ma sœur aînée ne manquait aucun épisode), cette plaisante inscription : « Dessin fait pour me distraire pendant la lecture de Teilhard de Chardin. » Ainsi, pour l'évasion, les miss crayonnées et pour la sensualité les Jésus flagellés et les musculeux Spartacus. Mais rien n'est aussi simpliste… Pourquoi une telle application à dessiner ces princesses aguicheuses ? Pourquoi les avoir soigneusement collectées dans mon cahier ? Pour donner le change ? Pour savourer l'ambiguïté ? À moins qu'une autre explication s'impose : la plastique féminine me fascinait, tout simplement ! Me troublait et m'intriguait. Parce que la Femme, hormis la Vierge Marie, était l'Absente du Séminaire (seules quelques nonnes anthracites et deux ou trois servantes préposées aux corvées d'épluchage, dont l'une – Face plate, son surnom me revient sur-le-champ ! – nous séduisait par sa disgrâce. Adolescents à la fois cruels, vantards et idéalistes alors que n'existait pas encore le concept du virtuel. En fait, à 17-18 ans, j'étais peut-être (encore) malléable, entre deux rives, potentiellement hétérosexuel et immanquablement homo ? Peut-être l'identité sexuée n'a-t-elle rien de figé, elle évolue, mute, puis se fixe… pour rétrograder peut-être sur le tard ? Et je découvre avec une stupeur un brin gênée l'Âge d'or de mes vestales de collège dénudées (jamais plus bas, faut pas pousser !), plus ingénues que tentatrices, parfois graves et mystérieuses.


Et ce constat me ramène, 45 ans plus tard, à cette phrase rigolote griffonnée le 16/04/2010 dans mon agenda :

« Penché malgré moi sur le généreux décolleté de la pharmacienne occupée à déchiffrer mon ordonnance, je ne peux m'empêcher de penser que cette double excroissance est une infirmité. Suis-je normal, docteur ? »