Stupeur ! Amusement ! Attendrissement ! Je viens de retrouver le cahier de textes que je tenais dans les années 60 en classe de Terminale. La couverture écarlate n'est plus aussi rutilante et ne subsistent plus que deux décalcomanies pâlichons. En fait, cet outil scolaire ressemble davantage à un recueil de photos et de dessins.



Je parlerai demain de ces crayonnages, souvent esquissés dans la marge de mes copies, et qui viennent de m'ébahir par leur érotisme plutôt inattendu (car nous sommes, ne l'oublions pas, au petit Séminaire St François de Sales). Quant aux photos, ce sont des images de cinéma que je découpais soigneusement dans les magazines et auxquelles j'adjoignais un commentaire élogieux voire pompeux. Mon enthousiasme délirant n'avait pas de limites ! C'était chaque fois le film du siècle à voir de toute urgence. Je n'hésitais pas à adresser des courriers aux directeurs de salles de la capitale (Annecy) pour qu'ils me confirment leur programmation. Isolé dans mon internat du Chablais, je craignais tant de passer à côté des chefs-d'œuvre en 70mm Todd-Ao ! Dans mon cahier retrouvé, ce message, véritable talisman : « Monsieur, en réponse à votre lettre du 25 courant, nous avons l'avantage de vous faire savoir que nous passons « La chute de l'empire romain » à partir du 10 février prochain. Espérant que vous nous honorerez de votre visite etc. » Signé : Le Directeur du Savoy-Cinéma. Ouf ! sauvé.



Mes deux genres préférés : la comédie musicale et le péplum. Je ne me risquerai pas à (psych)analyser ici pourquoi me séduisaient tant les nobles patriciens et leurs esclaves révoltés ! J'ai écrit quelque part, songeant aux reproches muets qu'aurait pu m'adresser ma mère, elle qui désapprouvait fort ma passion pour l'antre obscure : « Plus tard, bien plus tard, d'autres images dans le noir… à l'heure où l'essaim des rêves tord sur leurs draps souillés les bruns adolescents. Des visions effarantes… des jeunes hommes nus… de vigoureux hoplites en tuniques de lin… Ô mère, deviniez-vous ces rêves ? Les craigniez-vous pour moi ? »

Chut ! maman, retournez à vos ave, moi, j'ai 17 ans, je suis grand et la séance commence…