J'étais invité hier soir chez un bon ami qui tenait à suivre en direct l'ouverture du festival de Cannes sur le Grand Journal de Canal +. Je ne suis pas sûr que ce spectacle, année après année rabâché, ait relevé notre pizza 4 saisons. Toujours cette sensation de déjà vu, de superficialité, de peoplelisation décatie malgré strass et paillettes, tapis rouge, tsoin tsoin et Cie. Je me disais (tout en aspirant in petto au silence devant l'écœurante mangeoire plasma) : mis à part les journalistes, les financiers, les figurants, les quelques vedettes répétant en boucle les mêmes faux enthousiasmes et leurs pâmoisons surjouées, qui cela intéresse-t-il vraiment dans notre pays déprimé ? Bien sûr, fondu déchaîné du cinéma, je suivrai dans la presse les critiques pour visionner ensuite calmement, quand le soufflé sera tombé, deux ou trois chefs-d'œuvre, primés ou non. Mais pourquoi en live tout ce tintamarre au lourd parfum de diversion grotesque ? Toute la clique habituelle, la Dombasle, Fredo (notre ministre mais, dans le gratin parisien, on l'appelle comme ça), Gilles Jacob momifié et j'en passe… Florence Leroy, de France INFO, reste lucide : « Le Festival, c'est un jeu de société dont il faut connaître les codes. Robes de soirée à 10 heures du matin, montée des marches en plein après midi sous un soleil de plomb, heureusement que le ridicule ne tue pas ! »

Non, c'est vrai, il ne tue pas ; il rend simplement triste car l'œil aiguisé sait aujourd'hui décrypter tous les trucages, non seulement sur les lieux de tournage, mais lors des grands-messes culturelles ou pontificales. Le nouveau Mr Robin des Bois, massif et empâté, n'avait plus rien de la grâce du jeune héros de la Warner d'antan, plutôt une allure de rouleur de caisse imbibé se superposant mal au sémillant hors-la-loi immortalisé par Errol Flynn. Décidément, la nostalgie n'est plus ce qu'elle était. Et, comme me disait mon ami comédien, même les stars n'existent plus, seulement des actrices, plus ou moins douées : sous la loupe grossissante de Canal +, entre gaudrioles convenues et scoops téléphonés, dans leurs si jolies petites bouches peintes l'amour du 7ème Art devient de la promo et de la lèche.