PROMENADE À SEIZE ANS
Par Michel Bellin le vendredi 13 mars 2009, 08:16 - Lien permanent
Lorsque j'ai découvert tout récemment ce poème de jeunesse de Maupassant, j'ai immédiatement pensé à Paul, le jeune héros de « Cet été plein de fleurs ». Je l'imagine en train de gravir le Mont Terminus, tout exalté, vibrant, communiant à la nature en fête et songeant à celle qui plus tard allait tant le décevoir. Mon Don Quichotte de Montclairgeau aurait pu se réciter ces vers pour conclure en frissonnant : « Oui, mère, je suis malade, et bien plus malade que vous ne le redoutez, de cette maladie jumelle si rare et si funeste chez votre fils : la tristesse de l'amour et l'amour de cette tristesse. » Sauf que chez l'auteur de « Bel ami », c'est plutôt la joie qui domine, pleine de non-dit. Une page bucolique où s'esquisse une idylle un peu gauche et, du coup, bien attendrissante.
Post scriptum : ça y est, c'est fait, après un mois et demi de retard, « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS » est paru et enfin disponible en librairie. Un gros volume d'un beau bleu profond et que j'ai relu dans l'avion en partance pour Dubaï. À la fois comblé (pas trop de coquilles !) et légèrement inquiet : quelle œuvre étrange ! N'est-elle pas surannée ? Trop statique ? Qu'est-ce que mes lecteurs vont comprendre à ce changement de cap romantique ? Je n'eus pas le moindre début de réponse à ces questions lorsque, épuisé et ravi, j'ai fini par m'endormir dans les bras de Paul. Sauf qu'il y avait aussi dans mon boeing le giron accueillant de Lilly, de Colette, de Mlle de Larmina dite « la jolie poupée » et de la pétulante Lolo de Catelin. Quand je vous disais qu'il s'agit d'un changement de cap bellinesque !
Post scriptum : ça y est, c'est fait, après un mois et demi de retard, « CET ÉTÉ PLEIN DE FLEURS » est paru et enfin disponible en librairie. Un gros volume d'un beau bleu profond et que j'ai relu dans l'avion en partance pour Dubaï. À la fois comblé (pas trop de coquilles !) et légèrement inquiet : quelle œuvre étrange ! N'est-elle pas surannée ? Trop statique ? Qu'est-ce que mes lecteurs vont comprendre à ce changement de cap romantique ? Je n'eus pas le moindre début de réponse à ces questions lorsque, épuisé et ravi, j'ai fini par m'endormir dans les bras de Paul. Sauf qu'il y avait aussi dans mon boeing le giron accueillant de Lilly, de Colette, de Mlle de Larmina dite « la jolie poupée » et de la pétulante Lolo de Catelin. Quand je vous disais qu'il s'agit d'un changement de cap bellinesque !
PROMENADE À SEIZE ANS
La terre souriait au ciel bleu. L'herbe verte
De gouttes de rosée était encor couverte.
Tout chantait par le monde ainsi que dans mon cœur.
Caché dans un buisson, quelque merle moqueur
Sifflait. Me raillait-il ? Moi, je n'y songeais guère.
Nos parents querellaient, car ils étaient en guerre
Du matin jusqu'au soir, je ne sais plus pourquoi.
Elle cueillait des fleurs, et marchait près de moi.
Je gravis une pente et m'assis sur la mousse
A ses pieds. Devant nous une colline rousse
Fuyait sous le soleil jusques à l'horizon.
Elle dit : "Voyez donc ce mont, et ce gazon
Jauni, cette ravine au voyageur rebelle !"
Pour moi je ne vis rien, sinon qu'elle était belle.
Alors elle chanta. Combien j'aimais sa voix !
Il fallut revenir et traverser le bois.
Un jeune orme tombé barrait toute la route ;
J'accourus ; je le tins en l'air comme une voûte
Et, le front couronné du dôme verdoyant,
La belle enfant passa sous l'arbre en souriant.
Émus de nous sentir côte à côte, et timides,
Nous regardions nos pieds et les herbes humides.
Les champs autour de nous étaient silencieux.
Parfois, sans me parler, elle levait les yeux ;
Alors il me semblait (je me trompe peut-être)
Que dans nos jeunes cœurs nos regards faisaient naître
Beaucoup d'autres pensers, et qu'ils causaient tout bas
Bien mieux que nous, disant ce que nous n'osions pas.
Guy de MAUPASSANT (1850-1893)
(Recueil : Des vers)