« On va donc enterrer 2008 dans la joie et la bonne humeur, comme de coutume ; avec aussi les concerts imbéciles d'avertisseurs dans les beaux quartiers et quelques centaines – voire quelques milliers, on a tendance à minimiser – de feux de voitures dans les moins beaux : c'est jouissif, une bagnole qui crame (pour peu que ce ne soit pas la sienne) et ça vous venge, le temps d'un brasier, d'une vie moche dont on ne voit pas l'issue.

Vous avez aimé 2008 ? Vous allez adorer 2009.

2008 restera dans les mémoires comme l'année où le système capitaliste aura fini par montrer aux yeux de tous ce qu'il avait réussi jusque-là à dissimuler au plus grand nombre : son cul hideux de babouin. En quelques mois de crise généralisée, depuis les premières alertes dans le secteur des prêts immobiliers, éclate toute la perversité, l'immoralité, la saloperie d'une organisation de la planète entièrement vouée à la spéculation et au profit d'une minorité au détriment du bien-être et souvent même de la survie de tous les autres : l'immense majorité de nos frères en humanité. Ici, en Europe, en France, nous sommes dans la zone grise. De plus en plus de pauvres, dont un nombre croissant de très pauvres ; mais encore assez de filets de protection, de solidarités familiales ou associatives pour que même ceux-là passent encore pour des nantis aux yeux des multitudes affamées du Sud. D'où tous ces audacieux au ventre creux qui tentent le grand passage, au péril de leur vie souvent, vers des pays à leurs yeux de Cocagne, dont ils sont impitoyablement refoulés (à propos, vous avez vu ? Pour remplacer Hortefeux au ministère des expulsions, on pense sérieusement à l'ex-socialiste Éric Besson, en pleine ascension dans le ciel de Sarkozy : ce type – Besson – est décidément un renégat de très haut vol, et son maître un grand pervers, chapeau à tous les deux !). Et 2008 s'achève avec une cerise sur le gâteau : le scandale Madoff, l'ex-président du Nasdaq, qui a réussi à détourner la bagatelle de 50 milliards de dollars, 20 % du budget de la France !

Remarquez, la méga-escroquerie du talentueux Madoff a un aspect plutôt plaisant, et même franchement hilarant : c'est la liste de ses victimes. À côté de dirigeants de banques et sociétés diverses déjà mouillées dans pas mal de scandales, des particuliers richissimes, dont la notoriété et la « surface » n'ont d'égal que la cupidité : Elie Wiesel, Caroline Barclay, Philippe Junot ou Daniel Hechter sont, entre autres, les victimes de Madoff. Rien que du très beau linge, tout un Fouquet's, un vrai Bottin mondain !Que nous réserve l'année qui vient ? Eh bien la suite, pardi ! La continuation et l'accentuation de la crise, qui va donner toute son ampleur et développer toutes ses dimensions industrielles, sociales, sociétales. « Ce n'est qu'un début… » Compte tenu des dégâts déjà répertoriés et de tous ceux à venir, la classe dirigeante française a toutes les raisons de contempler avec inquiétude l'embrasement grec. Il n'y aurait vraiment rien d'étonnant à ce que, du Parthénon, ¬l'étincelle de la révolte s'envole jusqu'à notre Quartier latin. Ne pas chercher plus loin les raisons des marches arrière du pouvoir sur des sujets potentiellement brûlants comme la réforme des lycées ou le travail du dimanche. Sarko pourra bientôt chanter à la jeunesse estudiantine la célèbre ritournelle : « Si tu avances quand je recule, comment veux-tu, comment veux-tu que je t'… » Justement, elle ne veut pas ! »


Par BERNARD LANGLOIS
mercredi 24 décembre 2008
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