Un Lièvre en son gîte songeait
(Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe ?) ;
Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait :
Cet animal est triste, et la crainte le ronge.

« Les gens de naturel peureux
Sont, disait-il, bien malheureux.
Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite ;
Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers.
Voilà comme je vis : cette crainte maudite
M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.

Et la peur se corrige-t-elle ?
Je crois même qu'en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi. »
Ainsi raisonnait notre Lièvre,
Et cependant faisait le guet.
Il était douteux, inquiet :
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.

Le mélancolique animal,
En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit : ce lui fut un signal
Pour s'enfuir devers sa tanière.
Il s'en alla passer sur le bord d'un étang.
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
« Oh! dit-il, j'en fais faire autant
Qu'on m'en fait faire ! Ma présence
Effraie aussi les gens ! je mets l'alarme au camp !
Et d'où me vient cette vaillance ?
Comment ? Des animaux qui tremblent devant moi !
Je suis donc un foudre de guerre !

Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi. »


Jean de La Fontaine, Fable XIV, Livre II.


À PARTIR DU SAMEDI 10 JANVIER 2009
- FÊTE DE ST GUILLAUME -
ET POUR 7 WEEK-END SUCCESSIFS
INÉDIT SUR LA TOILE
UN SEXERCICE DE STYLE
DE MICHEL BELLIN
SOUS FORME DE FEUILLETON POLISSON
JOUISSIF ET DÉTONANT
EN SEPT ÉPISODES
"LES ORAISONS JACULATOIRES"
(Fantasia para la siesta)

Qu'on se le dise !


Incipit : « Je veux chanter la volupté. Non la jouissance grégaire, mais la volupté solitaire. Ce que la morale réprouve : la manœuvre décongestive. Le vigoureux massage. Le péché d'inertie. Ni les tasses à l'ancienne ni les baisodromes new-look, juste le bon vieux plaisir solipsiste. Vertige de Narcisse. Le tout-à-l'ego. Rien que pour moi-même. Oui, je dis bien, moi-m'aime, n'en déplaise aux grincheux et aux censeurs altruistes.
Malgré tout, j'écris aussi pour autrui, comme tous les auteurs. Pas folle la guêpe, il faut bien survivre (8% sur les ventes, ce n'est ni indigne ni négligeable, sauf qu'ici c'est gratuit, le con !). Evidemment, l'écrivain maudit – qui se proclame tel – n'écrit que pour lui-même, dans son fol orgueil, face à face avec sa Muse lyrique et tyrannique. C'est abscons donc génial. Moi non, je suis avant tout altruiste. Ma prose est narcissique mais avant tout philanthropique. Je suis un réaliste et un miraculé, écrivain fauché et pourtant béni des dieux car j'ai un auditoire en or, or et fuchsia, moiré gayment de toutes les nuances de l'arc-en-ciel : j'écris pour les garçons. Pour les garçons exclusivement. Tous les garçons. Les homos, les purs et durs, les athlètes du désir, tous mes chers congénères : les Steve, Rachid, Gilles, Helmut, Pierre, Boubakar, Vincent, Scott, Siegfried, Lorenzo... j'en passe et des meilleurs dont le sieur O***, mon pied millésimé ! Je tais ici même son prénom car, dans le pays où il bosse, on ne lésine pas sur la Charia : si tu laisses traîner à l'air tes breloques, illico les sbires du calife te les massicotent, الله أَكْبَر ! (Précision : j'écris aussi pour quelques donzelles, dont la belle Silvia qui à mon style s'émotionne et tendrement s'humidifie). Les mecs que j'ai connus, ceux que je côtoie et plus encore les ragazzi inaccessibles dont je rêve jour et nuit. En fait, je n'écris que pour un garçon. Un seul. Je n'écris que pour toi : mon lecteur, mon frère, mon bel alter ego, mon fidèle internaute. Toi qui sur ton écran vas lorgner cet opus, peut-être à l'aveuglette ou en connaisseur puisque tu m'es fidèle depuis deux ou trois titres. C'est toi que je veux séduire et circonvenir. Toi seul dont j'entends bien débaucher ici le corps et l'âme .Dis, le voudras-tu ? »



Extrait des Oraisons jaculatoires©
manuscrit original de Michel Bellin
mis en ligne sur son Blog du 10 janvier au 28 février 2009.
Reproduction licite et encouragée par l'auteur
(à condition de citer ses sources).