Du coup, spontanément et en frissonnant, j'ai associé le constat avec cette terrible phrase de Pierre Herbart (je viens de relire son “Alcyon”, cf. mon blog de lundi dernier), forcément injuste et en même temps si cinglante quand on pense à l'Irak en particulier et à toutes les guerres en général (j'ai encore vu avant-hier à la télé un aumônier juif bénissant les bouchers de Tsahal !) : « Le comble de la saloperie : être curé. Pendant la guerre, on a perfectionné : les aumôniers. » (Pierre Herbart, Textes retrouvés). (Ce qui n'empêche par certains prêtres d'être des hommes exceptionnels et de faire partie de mes amis.)

Quant à moi, qui ne suis plus rien, rien de rien, je ne regrette rien, me voilà néanmoins quasiment désespéré : à l'instar du cher Christian, le directeur de la revue Golias, lui aussi souvent menacé du terrible châtiment, je rêve - mais en vain jusqu'à ce jour - de cette ultime consécration : être enfin excommunié. Pas une petite excommunication vénielle, pour une lichette de beurre ou deux gouttes d'eau bénite, non, une vraie, une mortelle, une éternelle excommunication. Hélas, depuis plus de trente ans, cette gloire posthume m'est refusée de mon vivant. Deux journalistes, au nom de leur éthique, viennent de snober la Légion d'Honneur (bravissimo les filles !) ; eh bien moi, si l'Eglise me proposait sa malédiction suprême, j'accepterais, je courrais à Rome, je tomberais à genoux devant Benedetto et, de reconnaissance, après avoir baisé respectueusement ses glorieuses et coûteuses mules, je les arroserais céans de mes larmes de pute non repentie mais infiniment et catholiquement et éternellement reconnaissantes. Mais, Dieu me les sectionne ! je ne vois toujours rien venir après tant d'efforts, tant de persévérance, tant de reniement assidu. Défroqué, apostat, athée, divorcé, pédé… que me manque-t-il donc pour mériter la palme de l'infamie suprême ? Et dire que certaine amie très chère du Lot-et-Garonne me porte dans son cœur, m'affirme que je trouve encore grâce à ses yeux ?! C'est à n'y rien comprendre. Peut-être que, une fois jeté mon froc aux orties, je ressemble de plus en plus en vieillissant à l'enfant innocent que j'étais. Hier encore, je m'interrogeais : quel gosse étais-je donc, surtout aux yeux de maman ? Je n'ai trouvé que trois adjectifs : gentil, serviable, équanime. Pas de quoi mériter l'excommunication… ni d'ailleurs la béatification.

En attendant, merci à toi, chère « pièce détachée » ! Et un bon conseil : pour faire redémarrer la machine humaine qui se grippe et qui geint, va voir ailleurs, ma fille, au plus pressé, n'importe où mais ailleurs, loin des églises et des sacristies – qu'ils se débrouillent entre eux, les curés ! Ta résolution était la bonne. Mais voilà que je prêche à nouveau, Dieu me culbute ! et que je ne fais pas moi-même ce que je conseille charitablement aux autres, puisque je n'en aurai décidément jamais fini avec mon dépit et mon mépris. Même si c'est en jouant un brin, en en rajoutant, en faisant d'horrifiques grimaces à notre Sainte Mère Eglise à Rome, si vieille, si laide, si acariâtre, en grand gosse fanfaron qui joue encore à Robin des Bois et s'imagine pouvoir combattre les clercs félons avec son épée en carton !



« Il y a des choses dont on ne parle pas spontanément : ridicule ! Qui cela pourrait-il bien intéresser ! Avec toutes les horreurs planétaires quotidiennes et répétées, on a bien assez à faire ! Qu'ils se débrouillent entre eux, les curés !

Ici, vers le centre désertique de la France, les derniers vieux curés sont tous morts à la tâche, certains nonagénaires et cancéreux. Courant d'une messe de Noël à l'autre dans de belles églises de village classées et glaciales. Confessant leurs ouailles au volant de leur vieille 4 L (« une auto, c'est comme un confessionnal, mais que Dieu me pardonne ! on ne s'y glace pas les genoux comme dans l'église où l'eau affleure les dalles de pierre »). Perdus dans un presbytère (XVIIIe siècle, ma chère) en pleins champs. Dépendant des fidèles pour se nourrir correctement.

Il y a dix ans, j'ai assisté à la première messe de l'un des « nouveaux ». Un Tchèque, très beau, tout séduction et Gauloises à la chaîne, qui dormait dans une chambre de bonne au-dessus de l'évêché en attendant la réfection d'un logement plus proche de son ministère. Parachuté dans ce trou perdu, il exprimait sans le dire, de toute sa personne, à quel point il apprécierait la compagnie. Je n'ai pas osé.

Mon père chantait les cantiques et s'occupait encore, il y a cinq ans, du vin de messe que les curés venaient goûter et sanctifier à table le dimanche. Pouilly fumé, Chablis, Meursault... La piquette ? Quelle insulte aux Vignes du Seigneur ! Et reprenez-moi du canard aux pêches, mon Père, disait ma mère onctueuse. La boîte à hosties traînait parfois chez mes parents. Venue de Belleville en visite, toute mécréante et voyoute, ça me faisait drôle... jusqu'à ce que le vieux curé raconte sa jeunesse d'aumônier des prisons. Des propos à faire frémir Hortefeux et Lefevre. J'ai fermé ma grande gueule pour l'écouter. Je souhaite que son Dieu l'ait en sa garde.

Un autre hurlait à l'apocalypse de « Marx, Nietzsche et Freud », et ne se calmait que pour chuchoter des trucs pornos. Habité par ses diables, quoi. Mon père était un peu sourd, mon onctueuse mère a juré n'avoir rien entendu.

Ces six dernières années, le curé de « mon » coin était un Asiatique. Il sifflait le whisky comme un autre et ignorait le Carême (« le quoi ? », disait-il en attaquant sa côte de bœuf arrosée de Pinot noir). Durant son ministère, certaines paroissiennes fraîches et rebondies avaient les joues plus roses. Il est parti je ne sais où, remplacé par un Africain tout frais.Et puis, il y a très, très longtemps, le Père Joulin : « Ma vocation ? M'emmerdez pas avec ça ! C'est ses oignons à Lui, le Voisin-du-dessus ! ». Tiens... un oignon au bord du chemin...

Quel drôle de bordel, ces curés... »


5 décembre 2008 18:49, par « pièce détachée ».
À la suite de l'interview de Christian Terras « Le christianisme ne peut exister que dans l'insoumission. » in

http://www.article11.info/spip/spip.php?article218