L’HIVER DES ALPES
Par Michel Bellin le mercredi 14 janvier 2009, 07:30 - Lien permanent
Ah ! cet hiver 2009, comme on le maudit (surtout à Marseille). La neige, le gel, le verglas, le froid, surtout le froid… Un grand avantage, notait le sieur de Saint-Amant, en cette saison on n'entend pas le tonnerre. On ne sue pas non plus, on dort bien sous la couette, on a rarement soif même si les vieilles gens, hiver comme été, sont déshydratées car, à leur manière, sans le savoir ni même le vouloir, nos aînés s'échappent de la vie sur la pointe des pieds. Qui peut leur en vouloir ? Heureusement, il y a Meuh Meuh Roselyne pour les plans alerte orange et les cellules d'aide psychologique à domicile. À défaut de pouvoir hiberner – ce que j'ai de tout temps si ardemment souhaité tant je détestais les Alpes, ma patrie natale, tant j'avais tout gosse la hantise des patinoires et des boules de neige traîtresses, tant j'appréhendais gerçures des lèvres et engelures aux pieds – on peut ce matin se réchauffer, ou du moins s'émerveiller, des vers naïfs de Marc Antoine Girard, sieur de Saint-Amant (1594-1661) qui fut tour à tour marin, voyageur et soldat et auteur d'une œuvre baroque peu connue, pétillante d'esprit et dont les descriptions lyriques sont particulièrement admirables et pas du tout datées. En témoigne ce sonnet dédié à l'hiver alpin.
Ces atomes de feu, qui sur la neige brillent,
Ces étincelles d'or, d'azur et de cristal
Dont l'hiver, au soleil, d'un lustre oriental
Pare ses cheveux blancs que les vents éparpillent ;
Ce beau coton du ciel de quoi les monts s'habillent,
Ce pavé transparent fait du second métal ;
Et cet air net et sain, propre à l'esprit vital,
Sont si doux à mes yeux que d'aise ils en pétillent.
Cette saison me plaît, j'en aime la froideur ;
Sa robe d'innocence et de pure candeur
Couvre en quelque façon les crimes de la terre.
Aussi l'Olympien la voit d'un front humain,
Sa colère l'épargne, et jamais le tonnerre
Pour désoler ses jours ne partit de sa main.
Saint-Amant, Poésies.