UNE INFUSION DE VERLAINE (1)
Par Michel Bellin le mardi 9 décembre 2008, 14:39 - Lien permanent
« TA VOIX DANS LE BOIS DE BOULOGNE ! »
Aujourd'hui, de retour des Émirats, je suis ému, très ému, très très très ému : je viens de découvrir que Paul a habité pas loin de chez moi, à Boulogne et qu'il n'avait de cesse d'attendre, chaque soir, fidèle au poste, son petit Lucien, son cher et improbable « fils adoptif ». Car Verlaine n'était dévoré que d'un seul mal – que l'alcool ne parvenait pas à soigner : aimer, être aimé !
« J'ai la fureur d'aimer. Qu'y faire ? Ah, laisser faire ! »
Aujourd'hui, de retour des Émirats, je suis ému, très ému, très très très ému : je viens de découvrir que Paul a habité pas loin de chez moi, à Boulogne et qu'il n'avait de cesse d'attendre, chaque soir, fidèle au poste, son petit Lucien, son cher et improbable « fils adoptif ». Car Verlaine n'était dévoré que d'un seul mal – que l'alcool ne parvenait pas à soigner : aimer, être aimé !
« J'ai la fureur d'aimer. Qu'y faire ? Ah, laisser faire ! »
XVII
Âme, te souvient-il, au fond du paradis,
De la gare d'Auteuil et des trains de jadis
T'amenant chaque jour, venus de La Chapelle ?
Jadis déjà ! Combien pourtant je me rappelle
Mes stations au bas du rapide escalier
Dans l'attente de toi, sans pouvoir oublier
Ta grâce en descendant les marches, mince et leste
Comme un ange le long de l'échelle céleste,
Ton sourire amical ensemble et filial,
Ton serrement de main cordial et loyal,
Ni tes yeux d'innocent, doux mais vifs, clairs et sombres,
Qui m'allaient droit au cœur et pénétraient mes ombres.
Après les premiers mots de bonjour et d'accueil,
Mon vieux bras dans le tien, nous quittions cet Auteuil
Et, sous les arbres pleins d'une gente musique,
Notre entretien était souvent métaphysique.
Ô tes forts arguments, ta foi du charbonnier !
Non sans quelque tendance, ô si franche ! à nier,
Mais si vite quittée au premier pas du doute !
Et puis nous rentrions, plus que lents, par la route
Un peu des écoliers, chez moi, chez nous plutôt,
Y déjeuner de rien, fumailler vite et tôt,
Et dépêcher longtemps une vague besogne.
Mon pauvre enfant, ta voix dans le Bois de Boulogne !
Paul Verlaine, Amour, Œuvres poétiques, complètes, Gallimard, La Pléiade, 1965.