QUESTIONS POUR UN MORPION
Par Michel Bellin le mardi 23 décembre 2008, 10:34 - Lien permanent
Jules me plaît de plus en plus par ses doutes, ses effrois, ses grosses fureurs attendrissantes. Il se sait seul. Il se sent perdu. Nu et abandonné. D'où vient-il ? Où va-t-il ? Et que peut la terre qui le porte ? D'où vient cette petite planète ? Où se dirige-t-elle ? À moins qu'elle ne soit elle aussi abandonnée et perdue dans l'immense silence sidéral…
Dans les temps barbares qui sont les nôtres, Jules Laforgue est le poète moderne qu'il nous faut car il est indissociablement sarcastique et métaphysique tout en gardant son cœur d'enfant.
Dans les temps barbares qui sont les nôtres, Jules Laforgue est le poète moderne qu'il nous faut car il est indissociablement sarcastique et métaphysique tout en gardant son cœur d'enfant.
CURIOSITÉS DEPLACÉES
Oui moi, je veux savoir ! Parlez ! pourquoi ces choses ?
Où chercher le Témoin de tout ? Car l'univers
Garde un cœur quelque part en ses métamorphoses !
- Mais nous n'avons qu'un coin des immenses déserts !
Un coin ! et tout là-bas déroulement d'espaces
A l'infini ! Peuples de frères plus heureux !
Qui ne retrouveront pas même, un jour, nos traces
Quand ils voyageront à leur tour pas ces lieux !
Et j'interroge encor, fou d'angoisse et de doute !
Car il est une Énigme au moins ! j'attends ! j'attends !
Rien ! J'écoute tomber les heures goutte à goutte.
- Mais je puis mourir ! Moi ! Nul n'attendrit le temps !
Mourir ! n'être plus rien! rentrer dans le silence !
Avoir jugé les Cieux et s'en aller sans bruit !
Pour jamais ! sans savoir ! tout est donc en démence !
- Mais qui donc a tiré l'Univers de la nuit?
Jules Laforgue (1878-1883), Le sanglot de la terre, ŒUVRES COMPLÈTES, Mercure de France, 1946.