Mercredi 22 octobre 1919

Parti de justesse ce matin, j'ai manqué un métro et suis monté dans un Nord-Sud archi bondé et qui se traînait d'une façon lamentable. Je suis arrivé à Stanislas à huit heures et quart bien tassé et, heureusement, je n'étais pas seul dans ce cas. Le censeur a donc fermé les yeux et déclaré une amnistie générale.

Rien de bien significatif à noter ce soir, si ce n'est le début du cours sur la Restauration. On a rétabli pour l'Ecole Navale le programme d'histoire d'avant la guerre mais personne n'a pu nous en donner la raison. Va pour la Restauration !Autre détail marquant la légèreté de l'éducation ici : en rentrant de la récréation de dix heures, on nous a convoqués à la chapelle pour nous exercer à chanter le Te Deum en prévision du pèlerinage de demain. Que croyez-vous qu'il arriva ? Ce fut piteux comme résultat. Et la raison, mon bon monsieur ? Personne n'avait le bouquin de grégorien, on ânonnait par cœur, neume après neume. Une telle incurie, c'est tout Stan !

Jeudi 23 octobre 1919.
Pèlerinage du collège à Montmartre. Canotage au Bois.


Cette date du 23 est mémorable : elle m'a ému dès mon réveil et a illuminé ma journée. Il y a tout juste un mois, jour pour jour, j'ai connu Colette dans d'adorables conditions dont le souvenir désormais me hante, tant j'ai ressenti en moi, pour la toute première fois peut-être, la vivacité d'un sentiment inhabituel et d'autant plus merveilleux : cet élan pour une jeune fille était naturel, sain et très tendre.

A mon vif regret cependant, sans pouvoir caresser davantage cette douce pensée, je fus obligé de me lever très tôt, bien avant six heures, pour courir jusqu'au métro. C'était la fête de notre pèlerinage traditionnel. Descendu à la station d'Anvers, je suis monté à la place des Martyrs par l'interminable escalier de pierre, sans même pouvoir admirer Paris qui, dans le brouillard, n'était qu'une masse floue et informe.

Un peu trop en avance, j'ai d'abord attendu ma division puis, une fois ressemblés, nous avons encore bouchonné à l'entrée du sanctuaire. C'est durant cette attente que je retrouvai Charles, fistot de l'an dernier. C'est un garçon enjoué, doux, très sympathique, qui a dû renoncer à Navale pour raison de santé et d'allergie aiguë aux mathématiques. Il se console aujourd'hui en faisant philo mais, n'a pas renoncé à l'espoir de flotter, puisqu'il compte suivre Santé Maritime.

A huit heures passées, nous entrons enfin en bataillons compacts dans la basilique. Tout Stan est là et le collège suffit à remplir complètement la nef centrale. Messe en grande pompe avec Te Deum, évêque coadjuteur, diacres et sous-diacres et communion en rangs serrés. Je me suis laissé emporté par ma division jusqu'à la sainte table mais sans aucune ferveur. Le moyen de rester soi-même quand on est en service commandé ? Heureusement, l'homélie prononcée par notre professeur d'Instruction religieuse, fut moins ennuyeuse que prévu : le prédicateur parla avec un talent remarquable et plutôt sobre, de la France tant aimée du Christ et de l'exemple de nos valeureux aînés de Stan. Je me sentais quelque part fier et ému, sans parvenir toutefois à communier à un lyrisme un peu trop cocardier à mon goût. Etais-je bien digne, personnellement, ce ces vaillants héros ? Moi, pauvre Paul, avec mes piètres résultats, mes angoisses sans fond, mon manque d'assurance, ma foi en Dieu défaillante et ce trouble de la sensibilité, émoi si mystérieux que je ne parviens jamais à le cerner clairement ? J'en étais à ces pensées mélancoliques lorsque des toussotements et des raclements de chaises me firent sursauter. L'évêque était en train de répondre à l'orateur, brièvement heureusement car, comme Sa Proéminence siégeait sur son trône épiscopal et non dans la chaire, sa voix fluette, légèrement nasillarde, se perdait dans la vaste nef. Nous n'attendions tous qu'un mot, l'Ite missa est ! En descendant de Montmartre, nous avions hâte de nous jeter sur le petit déjeuner qui nous attendait car nous étions morts de faim. Je filai ensuite à la maison mais on m'avait oublié pour le repas : tante Sophie était partie pour la journée chez sa belle-sœur à St Cloud en oubliant que, puisque c'était jeudi, je revenais logiquement à midi. J'ai donc dû manger à peu près n'importe quoi, en me servant moi-même dans le garde-manger, ce que Reine ne supporte pas. Mais à la guerre comme à la guerre !

Je pris le temps de me raser avec soin et de passer une tenue sportive puis je pris à pied le chemin du lac supérieur, en traversant tout le Bois de Boulogne de la porte de Neuilly à la Porte de Passy. Le soleil était pâlot derrière le brouillard qui n'avait pas cessé depuis le matin. Cette clarté étrange associée à la douceur de l'air donnait au Bois, qui a beaucoup jauni depuis huit jours, une sorte de halo automnal très féerique.

De nombreux jeunes gens canotaient déjà sur le lac inférieur et je reconnus parmi eux plusieurs élèves de Stanislas. Aussi, je me conformai à mon dessein premier de ne canoter que sur le lac supérieur pour y trouver enfin la paix. Le plan d'eau était, comme je l'avais prévu, presque solitaire mais ses eaux stagnantes, un peu boueuses à la surface et où barbotaient des canetons facétieux, ressemblait plus à quelque toile néo-classique qu'à un lieu propice à l'entraînement sportif. J'hésitai donc quelques minutes, surtout par crainte de maladresse, et je finis par louer un canot. Pas facile d'accrocher tout d'abord les rames ! Comme elles étaient plus lourdes que prévu, et moi, fort peu expert, l'esquif se mit à zigzaguer, à tourner sur lui-même comme une toupie affolée puis à virer dangereusement bord sur bord. Heureusement, nul promeneur en vue, ni condisciple, j'aurais coulé de honte ! Je parvins enfin à maîtriser la direction de la barque, évitai de justesse un groupe de canots amarrés ensemble puis je me mis à ramer vers l'extrémité du lac, longeant la rive ouest. Je me sentais bien gauche et guère en sécurité. Comme ils étaient loin, mes exploits sur le lac de Bonlieu ! Le canot, trop léger, se maintenait vaille que vaille en ligne droite. Il fallait sans cesse donner des coups de rame, tantôt à gauche, tantôt à droite, manœuvre à la longue très fatigante. Arrivé enfin au lieu fixé, marqué par un bouquet de bouleaux resplendissants dans leur livrée d'or, je revins ensuite à mon lieu de départ en longeant l'autre rive. Toujours au moyen de ces coups de rames alternatifs, nerveux et réguliers. J'avais trouvé mon rythme, surtout mon équilibre et je progressais plus régulièrement. J'étais toujours à peu près seul sur le lac et je pouvais savourer tout à loisir ce qui constitue mon plus grand plaisir : le sport, mes efforts mesurés et tangiblement efficaces, la fierté de me mesurer à moi-même, de tester mon endurance, de sentir la dureté de mes muscles et la forge de mon souffle, loin des théorèmes fumeux qui m'assèchent le cerveau.

Comme j'étais arrivé un peu en avance, désirant profiter jusqu'au bout du temps de canotage alloué, je virai de bord devant l'embarcadère, fis une grande boucle puis vins me ranger en douceur le long du ponton. Malgré quelques ultimes zigzags, et un ou deux coups de rames trop brutaux, je menai à bien cette délicate opération. N'est-ce pas de bon augure pour un futur officier de marine ? Cette pensée me fit oublier mes cuisses engourdies et mes poignets douloureux.
En avant, moussaillon, paré pour la manœuvre !

Vendredi 24 octobre 1919

Enfin une journée qui a échappé à la banalité ! Mais pour le coup, tout plein de douloureux accrocs et de méchantes petites aventures.

En classe de maths, ce matin, Delmas m'envoie au tableau, me colle sur une stupide question de géométrie élémentaire. Je sèche. Il me flanque un abattage et, chose plus triste, un 0 pointé en leçon. Maigre consolation : mes deux successeurs au tableau subissent un sort analogue. Pour une fois, mon proverbe maison a bien fonctionné et m'arrache un pâle sourire : « Quand je m'examine, je me désole ; quand je me compare, je me console. »

Secundo, très occupé à causer avec quelques fistots pendant la récréation d'une heure, j'en ai oublié mon cours d‘escrime. Incompréhensible étourderie ! J'ai couru à la salles d'armes où je n'ai pu m'exercer que quelques minutes.Tertio, après avoir consciencieusement révisé la moitié de mon algèbre, me voilà derechef collé sur quelques questions rosses (les fonctions inversées) que je n'avais pas eu le temps de repasser. Une fois de plus, j'ai été maladroit et ma lenteur m'a joué un sale tour.

Décidément, je n'ai guère eu de chance aujourd'hui. Pas le cataclysme du siècle, certes, mais une série de déconvenues, mille petits dégoûts dont le total ne fait pas un remords (zut ! impossible de me rappeler quel auteur a noté çà et où). Quant à la température, elle ne s'améliore guère. Je suis à nouveau pris par mon rhume et voici que mes migraines rappliquent. Non, la vie n'est pas un conte de fée !

À SUIVRE

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