ARMISTICE
Par Michel Bellin le lundi 29 septembre 2008, 14:18 - Lien permanent
Pliée dans un livre que je n'ai pas ouvert depuis longtemps, une page de cahier signée par… mes trois enfants et mon ex ! C'était il y a une quinzaine d'années, dans ma vie d'avant. Nulle nostalgie puisque le passé est définitivement passé. Mais de l'émotion et de la reconnaissance pour ce (long) chapitre de mon existence qui m'a comblé ô combien. Ce texte – sans doute dicté par le père – n'est pas de la littérature, mais je l'ai trouvé drôle et plutôt touchant. En tout cas, autant que mes souvenirs sont fidèles, cette convention avec toute la famille liguée contre moi a plutôt bien fonctionné et le cabot est mort de sa belle mort (je parle du chien, pas de l'écrivain).
« Nous soussignés persévérons à vouloir recueillir un chien à la maison malgré l'opposition formelle de papa.
Même si nous ne comprenons pas les raisons de son opposition, nous admettons qu'il soit contrarié par la présence canine que nous lui imposons. Sa mauvaise humeur risque de s'accroître et toute la patience que papa accordera à l'animal sera autant de patience qu'il n'accordera pas à nous, enfants. En conséquence, nous ne reprocherons jamais à papa de ne pas s'attacher à ce chien, de ne pas lui faire des déclarations d'amour et de ne pas vouloir s'occuper de lui.
Par contre, nous nous engageons à être responsables du chien – spécialement Jean-Sébastien, en tant que maître principal – et à veiller
À le nourrir régulièrement (Jean-Sébastien) ;
À le soigner (Loulou) ;
À l'éduquer à la propreté et à l'obéissance (Gab) ;
À le faire garder en cas d'absence de la famille (Jean-Seb) ;
À nettoyer ses déjections à l'intérieur comme à l'extérieur (maman) ;
À réparer les dégâts qu'il commettra (Jean-Seb) – remplacement ou remboursement par l'ensemble des signataires ;
À signer les armistices avec les chats et les oiseaux (Loulou) ;
À négocier avec le voisinage en cas de difficultés (aboiements nocturnes, chiennes en chaleur, morsures…) – maman ;
À assumer les circonstances pénibles de l'existence (grave maladie, infirmité, vieillissement…) – maman.
Papa n'est donc pas obligé d'aimer le chien ni de s'occuper de lui. En un mot, il n'en est pas responsable. Il n'est pas tenu de lui prodiguer du temps, de l'énergie, des marques d'affection, des heures de bricolage (niche, clôture etc.) ni croquettes ni serpillière ni soins vétérinaires ni réanimation ni thanatopraxie. Papa s'engage seulement à tolérer le chien si celui-ci de le gêne pas et à ne pas lui donner des coups de pied au cul (mais, pour se défouler, papa a le droit de le traiter de « sale cabot »).
Longue vie au bâtard et bienvenue à Marigny. »
Fait à Mazeras (Ardèche)
Le 11 avril 1995
Les signataires :
Gabrielle
Jean-Sébastien
Ludovic.
Marie-Cécile
Le maître principal :
Jean-Sébastien
Le maître principal-adjoint :
Marie-Cécile