LE POUVOIR CHINOIS NE RELÂCHE PAS SON CONTRÔLE

En 2001, pendant la phase de candidature à l'organisation des Jeux olympiques de 2008, les autorités chinoises avaient manifesté une préoccupation pour les droits de l'homme. « Nous sommes convaincus que la venue des Jeux en Chine va non seulement favoriser notre économie mais aussi améliorer la situation sociale dans son ensemble », assurait alors Wang Wei, secrétaire général du comité de candidature de pékin. Sept ans plus tard, qu'en est-il dans sept domaines-clés ?

Un pouvoir monopolisé

Etat des lieux : la vie politique en Chine reste sévèrement contrôlée par le Parti communiste chinois. Fort de 70 millions de membres, il quadrille le pays, des collectivités locales aux grandes entreprises en passant par les syndicats, les institutions culturelles, les medias, et même les institutions religieuses. La pointe de la pyramide est constituée du comité permanent du bureau politique (9 personnes), du secrétariat général (7 personnes) et de la commission militaire centrale (8 personnes).La figure de proue aujourd'hui est Hu Jintao, secrétaire général du parti depuis 2002 et président de la République depuis 2003. Il est notamment connu pour la répression sanglante des émeutes de 1989, alors qu'il était administrateur de la région autonome du Tibet.

Ce qui a changé : les dirigeants chinois n'entendent pas renoncer au système du parti unique mais, depuis les années 19801, ils ont mis leur pays sur les rails du capitalisme, adoptant progressivement des principes du libéralisme économique.

Une liberté d'expression réprimée

Etat des lieux : « Le harcèlement des défenseurs des droits humains et de la liberté de parole et d'expression » reste une constante en Chine selon Amnesty International. De nombreux militants sont emprisonnés, souvent sur des accusations très vagues de « subversion » ou « de divulgation de secrets d'Etat ». Les détentions sans procès préalable sont encore d'actualité.
Par ailleurs, la presse est sous la menace de la censure et des centaines de sites d'Internet sont bloqués ou interdits notamment ceux qui contiennent des expressions comme « liberté », « droits de l'homme », etc. Près de 30 journalistes et 50 utilisateurs d'Internet sont derrière les barreaux.

Ce qui va mieux : Le 1er janvier 2007 ont été adoptées des mesures visant à octroyer une plus grande liberté aux journalistes étrangers avant et pendant les Jeux olympiques. Annoncées à grand bruit par la presse officielle, ces mesures ont toutefois été accompagnées d'un contrôle renforcé de la diffusion d'informations en provenance de l'étranger et de répression accrue des journalistes nationaux.

Des minorités opprimées

Etat des lieux : La question des droits des minorités est depuis longtemps au cœur des débats sur le respect des droits de l'homme en Chine, au Tibet, mais aussi dans la région musulmane du Xinjiang, chez les Ouïgours, seules provinces où les Hans, principale ethnie chinoise (92% de la population), sont minoritaires. Pékin reconnaît l'existence d'une cinquantaine de nationalités, qui ont le droit « de développer leur propre langue parlée et écrite ainsi que de préserver ou réformer us et coutumes ». Dans les faits, en revanche, au Tibet comme dans le Xinjiang, ces revendications sont souvent qualifiées de v »séparatisme ».

Ce qui a changé : Le régime chinois n'évolue guère sur ce dossier. Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont donné à Pékin plus d'autorité encore pour dénoncer les « terroristes », notamment dans le Xinjiang.

Un contrôle très étroit des religions

Etat des lieux : Dans son dernier rapport, l'ONG américaine Human Rights Watch estime que la liberté de religion est bafouée, au même titre que d'autres droits fondamentaux, comme la liberté d'expression ou d'association. Le pouvoir peut tout surveiller, des publications jusqu'aux finances, en passant par les personnels et les listes des fidèles.

Ce qui a changé : à en croire le Département d'Etat américain, la situation se serait plutôt détériorée ces dernières années, malgré une reprise du dialogue entre Pékin et le Saint-Siège, et le relâchement de la pression sur l'Eglise souterraine. De son côté, l'association évangélique Portes ouvertes relevait une amélioration de la situation depuis début 2008. Mais les situations sont variables d'une région à l'autre : ainsi les activités religieuses sont très contrôlées dans la province du Xinjiang, alors que les autres musulmans du pays bénéficient d'une plus grande latitude pour pratiquer leur religion.

La corruption persiste mais n'est plus niée

Etat des lieux : la réalité chinoise fournit un terreau propice à la corruption : un développement économique exceptionnel, encadré par un pouvoir politique omniprésent, sans réels instruments de contrôle sur l'action de ses dirigeants. Dans ce contexte, le pouvoir multiplie les signes d'autorité envers certains de ses responsables corrompus. En 2006, 100 000 membres du Parti communiste ont fait l'objet de mesures disciplinaires pour des faits de corruption. 3530 d'entre eux ont été poursuivis au pénal pour ce motif ; En septembre, le Président Hu Jintao annonçait le lancement d'une campagne anti-corruption, affirmant que ce fléau coûterait chaque année à l'Etat plus de 6 milliards d'euros.

Ce qui a changé : les cadres dirigeants doivent désormais informer le Parti de leur situation financière. Cette campagne devrait permettre de circonscrire le phénomène, plus que de l'éradiquer.

Des droits sociaux précaires

Etat des lieux : la croissance chinoise se construit avec le travail de 100 à 200 millions de migrants venus des campagnes pour travailler dans les villes. La plupart « sont traités par la population urbaine comme des temporaires qui retournent chaque année dans leurs campagnes pour le nouvel an chinois » estime Anders Reutersward, à l'OCDE.

Face à cette condition précaire, le Parti communiste chinois demande de veiller « à préserver l'égalité et la justice au sein de la société, de manière que toute la population partage les fruits de la réforme et du développement. » Les migrants en fait n'ont pas accès aux services publics, comme la santé ou l'éducation, dont peuvent bénéficier les urbains. Le seul syndicat autorisé est celui lié au Parti communiste.

Ce qui a changé : depuis le 1er janvier, une loi impose que tout emploi devra faire l'objet d'un contrat. Elle définit aussi le rôle des inspecteurs du travail. « Dans les faits, ce n'est pas demain que tous les migrants auront des contrats », souligne Anders Reutersward. Pour lui, la grande amélioration des conditions de vie des Chinois est à chercher dans « le doublement du niveau de vie des travailleurs urbains en dix ans ». On note aussi la volonté des autorités de fixer les travailleurs migrants dans les petites villes, limitant ainsi leur migration vers les grandes agglomérations.

L'environnement devient une priorité

Etat des lieux : pendant longtemps, le rattrapage économique a été mis en avant par la Chine pour expliquer ses réticences sur l'environnement. Elle soulignait que ses émissions de CO2 par habitant restaient 10 à 15 fois inférieures à celles des Etats-Unis. Au rythme actuel, le pays devrait devenir cette année le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. Ses centrales thermiques au charbon ont des efficacités énergétiques inférieures aux standards occidentaux.
Ce qui a changé : depuis 2006, la Chine constate l'impact du changement climatique. Il conduit à la désertification de certaines de ses régions et à un risque accru d'événements climatiques extrêmes. A la Conférence sur le changement climatique de Bali, en décembre dernier, la Chine a reconnu qu'elle était consciente de l'enjeu, moyennant la promesse des pays développés de lui transférer gratuitement un certain nombre de technologies propres. Elle s'est fixée pour but de réduire de 10% ses émissions de CO entre 2006 et 2010.


Synthèse de Gilles Biassette, Pierre Cochez et Julia Ficatier
in LA CROIX du 9 avril 2008 (extraits).

Demain, suite de CET ETE PLEIN DE FLEURS (16ème épisode)