Serial violeur. Premier rôle de « Délivrez-nous du mal », il n'est pas acteur, mais ancien serviteur de l'église catholique qui, pendant plus de vingt ans, a sciemment, posément, criminellement couvert ses agissements de pédophile. Aujourd'hui, O'Grady est un ex-curé amène. Rangé des processions, il vit en Irlande, où la documentariste américaine Amy Berg - elle travaille pour CNN et CBS News, et signe là son premier film destiné au cinéma - est allée le retrouver. Rare, puisque frontale et désinhibée, sa confession constitue l'atout essentiel de ce récit saisissant, qui évoque le parcours d'un serial violeur, couvert par ses supérieurs hiérarchiques qui, a posteriori, n'auront que flasques dénégations et silences embarrassés à offrir aux enquêteurs.«Si on me demandait "êtes-vous attiré par les femmes ?", je dirais sans doute non ! "Par les hommes ?" Non plus ! "Etes-vous attiré par les enfants ?" Peut-être. "Par les enfants en maillot de bain ?" Je dirais oui. "Les enfants en sous-vêtements ?" Je dirais oui. "Des enfants que vous imaginez nus ?" Je dirais oui.» En arrière-plan, visage flouté, un gosse vient de passer dans le parc, insouciant. Oliver O'Grady, lui, a un grand sourire quand il évoque ses pulsions.

Les faits : prêtre catholique, Oliver O'Grady arrive en Californie au milieu des années 70 où, conformément à la vieille histoire du loup dans la bergerie, il commence à abuser de la confiance aveugle de braves paroissiens. Des attouchements par-ci, quelques viols par là, le jour où sa présence fait trop désordre, les autorités religieuses compétentes décident de… le transférer 80 km plus loin. Où O'Grady saute encore sur tout ce qui bouge - prépubère, de préférence. Nouveau barouf… Nouvelle mutation, avec la bénédiction du clergé, et ainsi de suite. Sur le tard, et vraiment en ultime recours, Oliver O'Grady séjournera en prison, avant d'être extradé, laissant dans son sillage des victimes toujours abasourdies, traumatisées.Badinerie. Moins sensationnaliste que « Jesus Camp », autre documentaire qui l'an dernier taclait la ferveur psychotique des fondamentalistes chrétiens, le film d'Amy Berg tire sa force des multiples témoignages qui éclairent le sujet sous un jour aussi bien social qu'historique, judiciaire ou théologique. Autour d'O'Grady, assumant ses penchants avec une déconcertante badinerie, des familles anéanties ressassent leur désarroi. Le vicaire de Stockton et l'archevêque de Los Angeles mentent comme des arracheurs de dents. Un enquêteur précise qu'il n'a jamais entendu autant de «mensonges, parjures, réfutations et tartuferie» qu'avec ce type d'interlocuteurs bénis.

Au terme de ce chemin de croix - qui aurait juste pu faire l'économie d'une bande originale superfétatoire - on nous dit que l'Eglise catholique, depuis les années 50, aurait dépensé plus d'un milliard de dollars en frais juridiques et indemnisations destinés à étouffer les affaires d'abus sexuel. Des milliers de plaintes déposées rien que dans l'Etat de Californie ! La messe est dite, effectivement.

Critique du film dans Libération.


Evidemment, ce documentaire ne passe à Paris que dans deux salles. Voici les coordonnées des adresses et l'horaire des séances :

MK2 BEAUBOURG 50 rue Rambuteau (Métro Rambuteau). Tous les jours 11h 15, 13h 25, 15h 25, 17h 30, 19h 40 et 21h 50.

REFLET MEDICIS 3 rue Champollion (Métro Cluny). Tous les jours à 14h, 16h, 18h, 20h 05 et 22h 10.