UNE SENTEUR DE THYM
Par Michel Bellin le mardi 4 mars 2008, 09:26 - Lien permanent
Simple hommage poétique - et amical merci ! - à mon cuisinier du dimanche qui, après la visite des Halles de Versailles, me gratifia le week-end dernier d'un fameux turbot aux onctueux filets, d'une côte de bœuf cuite à point et, le soir, d'une soupe à la paysanne veloutée d'une patate douce et parfumée des restes de poulet.
(Ce matin, en voyant s'éloigner l'Ami sur sa grosse cylindrée, je me suis surpris à murmurer : « Adorable garçon ! » C'est bête l'amour, n'est-ce pas ?)
(Ce matin, en voyant s'éloigner l'Ami sur sa grosse cylindrée, je me suis surpris à murmurer : « Adorable garçon ! » C'est bête l'amour, n'est-ce pas ?)
Dans la cuisine où flotte une senteur de thym,
Au retour du marché, comme un soir de butin,
S'entassent pêle-mêle avec les lourdes viandes
Les poireaux, les radis, les oignons en guirlandes,
Les grands choux violets, le rouge potiron
La tomate vernie et le pâle citron ;
Comme un grand cerf-volant la raie énorme et plate
Gît, fouillée au couteau d'une plaie écarlate.
Un lièvre au poil rougi traîne sur les pavés
Avec des yeux pareils à des raisins crevés.
D'un tas d'huîtres vidé d'un panier couvert d'algues
Montent l'odeur du large et la fraîcheur des vagues.
Les cailles, les perdreaux au doux ventre ardoisé
Laissent, du sang au bec, pendre leur cou brisé ;
C'est un étal vibrant de fruits verts, de légumes,
De nacre, d'argent clair, d'écailles et de plumes.
Un tronçon de saumon saigne et, vivant encor,
Un grand homard de bronze, acheté sur le port,
Parmi la victuaille au hasard entassée
Agite, agonisant, une antenne cassée.
Albert Samain
Le Chariot d'or
Discret et modeste, Albert Samain (1858-1900) connaît le succès dès la publication de son premier recueil « Au jardin de l'infante » (1893). « Le Chariot d'or », recueil posthume publié en 1901, est empreint de la langoureuse distinction qui caractérise toute l'œuvre de cet écrivain aussi pudique que mélancolique.