« On croyait que Dieu était mort, on avait tort. Il s'inscrit désormais, de plein droit, ans une politique de civilisation, dans une vraie renaissance. Sans doute Dieu peut avoir de mauvais côtés, mais raison de plus pour encourager les bons. Là encore, le Président innove. Après sa réception de chanoine à Rome, le voici soudain en Arabie saoudite, pour déclarer : « Dieu n'asservit pas l'Homme mais le libère, il est le rempart contre l'orgueil démesuré et la folie des hommes. » Après tout, il est possible que ce soit là une prière secrète de kamikaze se faisant exploser avec sa bagnole à Bagdad ou ailleurs. Il paraît pourtant que les ultraorthodoxes français de la laïcité sont choqués de cette revitalisation divine présentée comme ferment de stabilité sociale. Un homme qui croit, dit le Président, c'est un homme qui espère. En espérant, il se lève tôt, travaille plus pour gagner plus, ne fume pas, ne boit pas, manifeste le moins possible, n'a pas une vie sexuelle agitée. Oubliez vos conflits passés avec l'Eglise catholique, Dieu, désormais, est d'abord américain, et le dollar le dit : « In God we trust. » Essayez donc, même avec un énorme budget, de vous présenter aux élections américaines en vous proclamant athée : aucune chance. Dans cette dimension, toutes les religions se valent, et tant pis si ça ne plaît pas au pape. Dieu peut s'habiller comme il veut, il reste Dieu. Une société sans Dieu n'a pas lieu d'être. Sarko est tout bonnement américain, pas du tout chinois, et sa conception pragmatique de l'Histoire de France passe directement des cathédrales à Jaurès ou à Blum. Il manque deux siècles, celui de Louis XIV et le dix-huitième ? Aucune importance. Et puis, soyons sérieux, on n'est plus en 1905. Que vous soyez juif, protestant, catholique, musulman (et, pourquoi pas, scientologue), je n'en ai rien à foutre. Dieu est falsifié par des fanatiques, mais tout le monde sait qu'il est modéré, progressiste, entreprenant, sérieux, tolérant, humaniste et antiraciste. Dieu veut le Bien universel et votre épanouissement personnel, voilà tout. Dieu, vous dis-je, Dieu. »

Philippe Sollers, le Journal du dimanche, 27/01/08