POÈMES D’ENFANCE (3)
Par Michel Bellin le jeudi 2 août 2007, 08:53 - Lien permanent
Très souvent remontent à la surface de ma mémoire des lambeaux de poèmes… un demi vers boiteux par ci… un octosyllabe estropié par là… parfois juste quelques mots agrippés à une rime. Par exemple : « Midi, roi des étés épandu sur la plaine… » ou «…le coup dut l'effleurer à peine, aucun bruit ne l'a révélé mais la légère meurtrissure… » Ensuite, plus rien, le cerveau capitule : un grand blanc. J'enrage, j'épelle à mi-voix pour retrouver le Sésame. Toujours rien. Pas moyen de trouver la suite mais il suffirait peut-être de gratter par ci, de dépoussiérer par là… peut-être… c'est si lointain, un demi-siècle ! C'est si proche, encore si vivant en moi lorsque je ferme les yeux pour ressentir dans mon esprit embué toute cette imagerie verbale qui palpite et bat encore comme un petit cœur obstiné. Fragments d'enfance !En ce temps-là (dans les années cinquante soixante), boule rase et blouse grise, j'étais un élève modèle dans mon petit séminaire austère. On faisait ses Humanités, comme on disait à l'époque. Le grec et le latin étaient à l'honneur, Bordas était notre Bible, un certain Calvet peut-être aussi, en moins rutilant. J'étais 1er de classe à peu près en tout (sauf en gymnastique), année après année, collectionnant les billets d'honneur qui étaient roses et les livres de Prix fin juin (ils étaient ennuyeux car c'était souvent des vies de Saints). J'adorais déjà les mots, les strophes bien rythmées, les alexandrins fiers et musclés, les métaphores et les harmonies imitatives – « La foudre au Capitolin tombe ! » – et j'étais tout à mon affaire lorsqu'il s'agissait d'apprendre par cœur puis de réciter, bien droit à côté du banc, en mettant de l'expression. Comme j'étais ému et intimidé ! Pourquoi ces lambeaux de poésies ont-ils résisté à l'usure du temps… à tous les sédiments qui se sont accumulés sur ces années studieuses et en définitive heureuse ? Je ne saurais le dire.J'ai décidé en cet été 2007 (l'année de mes 60 ans) de ratisser ma mémoire, de partir à la recherche de ces mots enchantés et de reconstituer, l'un après l'autre, le puzzle de mes poésies d'enfance, les plus belles, les plus impérissables. Surprise, surprise… Avec un moteur de recherche, ce devrait être facile, non ? Par exemple, si aujourd'hui je tape « la biche brame au clair de lune… »- le seul fragment qui surnage dans ma mémoire indocile - que va-t-il se passer ? La méga mémoire d'Internet va-t-elle reconstituer sur-le-champ le poème de… de qui au juste ? Lamartine ou Leconte de Lisle ? Allez, c'est parti, ma campagne de fouilles lexicales est ouverte.
« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute… "
« À moi, Google, deux mots! » - Parle ! – Ôte-moi d'un doute… "
La Biche
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux :
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune.
Pour raconter son infortune
A la forêt de ses aïeux,
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux.
Mais aucune réponse, aucune,
A ses longs appels anxieux !
Et, le cou tendu vers les cieux,
Folle d'amour et de rancune,
La biche brame au clair de lune.
Maurice ROLLINAT, Les Refuges
Zut ! Encore tout faux ! Mais qui est cet illustre inconnu dont ma mémoire estropiait les vers (« fendre » au lieu de « fondre ») ? Une fois de plus, Internet vient au secours de mon ignorance.
Un peu mièvre (mes souvenirs l'idéalisaient !), ce poème de Maurice ROLLINAT est extrait de son recueil "Nature" publié en 1891 à l'intention des enfants. Ces petits textes sont tirés de ses précédents ouvrages et destinés aux écoliers. En 1982, Mary C. DONNELL a fait éditer un choix illustré de pièces tirées de cette œuvre. Dans ce livre, le poète nous montre non seulement ses dons d'observation de la nature en toute simplicité mais aussi il y ajoute une autre dimension car il dote la nature d'une âme sensible et pénétrante d'où s'élève une vibrante émotion.
Le poète est né le 29 décembre 1846 à CHÂTEAUROUX. Il est issu d'une vieille famille berrichonne originaire d'ARGENTON-SUR-CREUSE, famille de notaires et d'avocats. (…) Maurice ROLLINAT finira ses jours à FRESSELINES dans la simplicité et appréciera de faire de longues marches dans la campagne. Des crises de migraines intenses l'obligeront régulièrement à s'isoler, à s'enfermer chez lui mais il aura trouvé ici la paix de l'âme jusqu'à la mort de sa compagne, Cécile POUETTRE, en 1903. Il tente alors de se suicider sans y réussir. Il refuse de se soigner et meurt le 26 octobre 1903 dans son lit, sans agonie, sans souffrance, sans effort, d'un marasme physiologique, à l'âge de 57 ans.
Ses derniers poèmes ont été réunis dans un livre posthume, sous le titre "Fin d'œuvre", en 1919.Maurice ROLLINAT a été marqué par la mort de son père et de son frère à un âge de vie fragile et il a vécu par ailleurs avec un désir de gloire littéraire contrebalancé par un état maladif chronique évoluant sous formes de crises épisodiques migraineuses. Il restera toujours conscient de ses troubles, en gardera la hantise et l'exprimera dans ses poèmes. Ses textes lui servent de soupape de sécurité et lui permettent donc d'éviter une décompensation vers une dépression, un suicide, une désintégration de la personnalité, une psychose.
Un peu oublié aujourd'hui, Maurice ROLLINAT reste un grand poète classique du début du siècle dernier, influencé par George SAND à ses débuts puis par BAUDELAIRE et Edgar POE mais il garde son originalité propre par son goût du fantastique et du morbide provenant de son intériorité et de son désir de retrouver les chères figures disparues. En fait ; si j'ai bien compris, « La biche » n'est guère représentative de l'inspiration du poète, je n'imaginais pas autant de tourment et d'originalité chez lui… du coup, je vais lire autre chose de Maurice ROLLINAT !
(Présentation de Catherine Reault-Crosnier). Voir le texte complet – avec d'autres extraits moins bucoliques – sur le site http://membres.lycos.fr/crcrosnier/articles/rollinat150a.htm
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux :
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune.
Pour raconter son infortune
A la forêt de ses aïeux,
La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux.
Mais aucune réponse, aucune,
A ses longs appels anxieux !
Et, le cou tendu vers les cieux,
Folle d'amour et de rancune,
La biche brame au clair de lune.
Maurice ROLLINAT, Les Refuges
Zut ! Encore tout faux ! Mais qui est cet illustre inconnu dont ma mémoire estropiait les vers (« fendre » au lieu de « fondre ») ? Une fois de plus, Internet vient au secours de mon ignorance.
Un peu mièvre (mes souvenirs l'idéalisaient !), ce poème de Maurice ROLLINAT est extrait de son recueil "Nature" publié en 1891 à l'intention des enfants. Ces petits textes sont tirés de ses précédents ouvrages et destinés aux écoliers. En 1982, Mary C. DONNELL a fait éditer un choix illustré de pièces tirées de cette œuvre. Dans ce livre, le poète nous montre non seulement ses dons d'observation de la nature en toute simplicité mais aussi il y ajoute une autre dimension car il dote la nature d'une âme sensible et pénétrante d'où s'élève une vibrante émotion.
Le poète est né le 29 décembre 1846 à CHÂTEAUROUX. Il est issu d'une vieille famille berrichonne originaire d'ARGENTON-SUR-CREUSE, famille de notaires et d'avocats. (…) Maurice ROLLINAT finira ses jours à FRESSELINES dans la simplicité et appréciera de faire de longues marches dans la campagne. Des crises de migraines intenses l'obligeront régulièrement à s'isoler, à s'enfermer chez lui mais il aura trouvé ici la paix de l'âme jusqu'à la mort de sa compagne, Cécile POUETTRE, en 1903. Il tente alors de se suicider sans y réussir. Il refuse de se soigner et meurt le 26 octobre 1903 dans son lit, sans agonie, sans souffrance, sans effort, d'un marasme physiologique, à l'âge de 57 ans.
Ses derniers poèmes ont été réunis dans un livre posthume, sous le titre "Fin d'œuvre", en 1919.Maurice ROLLINAT a été marqué par la mort de son père et de son frère à un âge de vie fragile et il a vécu par ailleurs avec un désir de gloire littéraire contrebalancé par un état maladif chronique évoluant sous formes de crises épisodiques migraineuses. Il restera toujours conscient de ses troubles, en gardera la hantise et l'exprimera dans ses poèmes. Ses textes lui servent de soupape de sécurité et lui permettent donc d'éviter une décompensation vers une dépression, un suicide, une désintégration de la personnalité, une psychose.
Un peu oublié aujourd'hui, Maurice ROLLINAT reste un grand poète classique du début du siècle dernier, influencé par George SAND à ses débuts puis par BAUDELAIRE et Edgar POE mais il garde son originalité propre par son goût du fantastique et du morbide provenant de son intériorité et de son désir de retrouver les chères figures disparues. En fait ; si j'ai bien compris, « La biche » n'est guère représentative de l'inspiration du poète, je n'imaginais pas autant de tourment et d'originalité chez lui… du coup, je vais lire autre chose de Maurice ROLLINAT !
(Présentation de Catherine Reault-Crosnier). Voir le texte complet – avec d'autres extraits moins bucoliques – sur le site http://membres.lycos.fr/crcrosnier/articles/rollinat150a.htm