SPLEEN ET IDEAL
Par Michel Bellin le vendredi 13 avril 2007, 07:51 - Lien permanent
Ecrivain sous le manteau, domicilié à Vesoul, réfractaire au genre dominant (le roman), André Blanchard est un chroniqueur redoutable pour peindre son paysage intérieur, et celui de ses contemporains. Habile greffier de ses pensées noires, il publie de nouveaux Carnets.
Quand nous nous mêlons de politique, c'est ou pour crier avec les loups, ou pour compatir avec les agneaux, ce qui atteste le ronron des idéologies : réécrire la fable n'intéresse plus grand monde.
Au fond, on classerait bien les hommes selon la façon dont ils se conduisent avec la vie : en propriétaire ou en locataire.
C'est le réflexe premier du catholique, en cas de pépin : « Donner des messes » - façon de parler, puisqu'il les paie. L'au-delà, c'est à péage.
Que cette grande blasée de profession (la critique littéraire) achète les livres avant de s'occuper d'en vendre. Déjà, elle serait plus regardante, sur l'article.
La culture pour tous ? Quelle punition ce serait.
Tout de même, aimons les uns plus que les autres.
L'avantage de la vie contemplative, c'est qu'elle ne nécessite pas d'avoir quelque chose à contempler.
C'est bien une posture de privilégiés, pour qui les fins de mois ne sont jamais à l'arraché, de s'étonner et de se scandaliser que des gens qui vivent mal votent mal.
Le pauvre, c'est quelqu'un qui l'est aussi en plaisirs. Celui qu'il avait à fumer, nos puissants se chargent de le lui faire passer. Le vice du riche, c'est de s'en prendre à celui du pauvre.
L'air du temps, qui est souvent celui des marchands, nous en persuade : désormais, vivre c'est cliquer. On en ferait une béatitude : Heureux les manchots…
Même quand elle ne nous fait plus rire, la vie reste comédie. C'est nous le drame.
Désespérer suppose qu'on a espéré. Donc c'est bien fait pour nous.
Extraits de l'ensemble des Carnets (1987-2005)
Entre chien et loup (avril-septembre 1987), Le Dilettante, 1988, rééd. 2007
Contrebande (2003-2005), Le Dilettante, 2007