Quand nous nous mêlons de politique, c'est ou pour crier avec les loups, ou pour compatir avec les agneaux, ce qui atteste le ronron des idéologies : réécrire la fable n'intéresse plus grand monde.

Au fond, on classerait bien les hommes selon la façon dont ils se conduisent avec la vie : en propriétaire ou en locataire.

C'est le réflexe premier du catholique, en cas de pépin : « Donner des messes » - façon de parler, puisqu'il les paie. L'au-delà, c'est à péage.

Que cette grande blasée de profession (la critique littéraire) achète les livres avant de s'occuper d'en vendre. Déjà, elle serait plus regardante, sur l'article.

La culture pour tous ? Quelle punition ce serait.

Tout de même, aimons les uns plus que les autres.

L'avantage de la vie contemplative, c'est qu'elle ne nécessite pas d'avoir quelque chose à contempler.

C'est bien une posture de privilégiés, pour qui les fins de mois ne sont jamais à l'arraché, de s'étonner et de se scandaliser que des gens qui vivent mal votent mal.

Le pauvre, c'est quelqu'un qui l'est aussi en plaisirs. Celui qu'il avait à fumer, nos puissants se chargent de le lui faire passer. Le vice du riche, c'est de s'en prendre à celui du pauvre.

L'air du temps, qui est souvent celui des marchands, nous en persuade : désormais, vivre c'est cliquer. On en ferait une béatitude : Heureux les manchots…

Même quand elle ne nous fait plus rire, la vie reste comédie. C'est nous le drame.

Désespérer suppose qu'on a espéré. Donc c'est bien fait pour nous.


Extraits de l'ensemble des Carnets (1987-2005)
Entre chien et loup (avril-septembre 1987), Le Dilettante, 1988, rééd. 2007
Contrebande (2003-2005), Le Dilettante, 2007