S'IL NE L'A PAS CUEILLIE, il l'a pourtant bien croquée, la pomme du jardin d'Eden. Et un morceau de ce fruit de « l'arbre de la connaissance du bonheur et du malheur », autrement dit du péché, lui serait resté en travers de la gorge. Ce serait donc uniquement l'homme qui porterait cette protubérance sur le devant du cou. Mais on oublie un peu vite que la compagne sortie de sa côte a elle aussi croqué dans la fameuse pomme. On ne parle pourtant pas de pomme d'Eve. Car, en fait, hommes ou femmes, nous avons tous une pomme d'Adam. Elle est simplement rarement visible chez la femme car elle est moins protubérante. Elle est d'ailleurs parfois invisible chez l'homme.
Rappelons tout d'abord, par souci de vérité historique, que nos aïeux, au Paradis, n'ont pas réellement mangé une pomme. Dans le texte originel de la Bible, il est bien question d'un « fruit ». Ce n'est que lors des traductions ultérieures en latin que ce fruit devint une pomme car les deux mots se disent tous deux « malum ».
La pomme d'Adam est l'un des onze cartilages, animés par 5 muscles, qui forment le « squelette » du larynx. Celui-ci, en forme de tube, au niveau des vertèbres cervicales 3 à 6, va du bas du pharynx et jusqu'à la trachée, la partie supérieure des voies aériennes. Il participe aux fonctions de la respiration, de la déglutition et de la phonation. Il est à la fois rigide et souple.
Le cartilage thyroïde est le plus gros des onze. Il protège les cordes vocales et la glande thyroïde. En forme de papillon, celle-ci chevauche la trachée, à la base du cou. Elle participe à la régulation de l'activité corporelle. Il est donc important qu'elle soit bien à l'abri. Un autre cartilage, l'épiglotte, fait office de couvercle amovible de la trachée. Quand on déglutit, l'épiglotte bascule et vient boucher la trachée. Ce qui permet d'avaler de la nourriture ou de la boisson depuis la bouche vers l'œsophage sans s'étouffer.
La pomme d'Adam est en forme de livre ouvert, avec deux lames carrées, la tranche étant située vers l'avant. En fin de croissance, pendant la puberté, l'angle du livre devient plus saillant et plus fermé chez l'homme que chez la femme. Il se « pince » à 90° environ chez l'homme alors qu'il reste à environ 120° chez la femme. Il vient donc faire saillie sous la peau chez l'homme, donnant cette proéminence laryngée (prominentia laryngea) tandis qu'il reste invisible chez la femme.
La responsable de cette différence est une hormone masculine, la testostérone, produite essentiellement dans les testicules des garçons. Au moment de la puberté, les garçons fabriquent de plus en plus de testostérone. Celle-ci va alors aller demander à plusieurs parties du corps de grandir. Ainsi, les cordes vocales se développent et la voix devient plus grave. Le cartilage thyroïde suit le mouvement et grossit. [Voir ma chronique d'hier QUAND MA VOIX SE BRISA]
La testostérone entraîne également la pousse de poils sur le torse et le visage. Les hormones sexuelles féminines, les œstrogènes, entraînent également le grossissement de certaines parties du corps des femmes comme la poitrine. Mais pas leur pomme d'Adam.

Chronique de Jean-Luc Nothias.
Publié dans LE FIGARO du 14 mars 2007