77. Poème pour trois définitions

La mort est les silhouettes mâles
que je vois irradiant leur vigueur
sur les trottoirs et j'en sors racorni
Ma mort est le dernier dépôt recueilli
par elles
de ma jeunesse d'hier
est la fatigue où j'écris.



77. J'ai dû (sûrement) croiser un groupe de jeunes beurs, franchir le trottoir parmi eux, les contempler à la dérobée, en trouver quelques-uns séduisants, et surtout très sexes et en même temps plus forts que moi, plus virils, beaucoup plus plantés dans la terre, solides. C'était inutile de croire que l'un d'entre eux, en survêtement de nylon blanc, allait dire salut à ses potes et l'air de rien me suivre et, au coin de la rue, nous aurions entamé un dialogue de contact et de désir. C'était illusoire et n'importe quoi et à chaque fois pourtant que ça n'arrivait pas, j'en concevais bêtement une tristesse et une amertume contre eux qui ont la vie à venir et pas moi ; ont le futur et des perspectives encore inexplorées encore neuves encore fécondes ; ont l'espoir et l'espérance et pas moi. Je les maudissais pour venger ma langue non passée sur toute l'étendue brune de leur torse.

Stéphane BOUQUET, Dans l'année de cet âge, Champ Vallon, 2001