... commençons la journée en nous racontant mutuellement notre ou nos rêves. Nous nous en amusons car ce sont souvent les mêmes spectres ressuscités, les mêmes déesses défuntes qui reviennent sur leurs pas, toujours "cet homme noir qui me ressemble comme un frère."

Parfois, l'un tente une interprétation sauvage du rêve de l'autre. Car chacun est à la recherche de ses propres lumières et de ses ombres, de ses trésors et de ses failles secrètes, de ses espoirs enf(o)uis et de ses utopies brisées, tout ce qui constitue le"moi" ainsi fracturé, sur son versant nocturne comme sur sa pente diurne.

Parviendrons-nous, jour après jour, nuit après nuit, songe après songe élucidé à l'aube dans cette chaude connivence que seule l'amitié permet et accroît, entre doute et perplexité, entre rire et consternation... parviendrons-nous à élucider le monstre angélique qui habite chacun, le tourmente et l'apaise et qui se livre en se jouant dans les replis de nos nuits ?

C'était déjà le dada de la révolution surréaliste et la conviction de Maxime Alexandre qui, dans le groupe déjanté, tint avec la plus grande régularité le journal de ses rêves :

« (…) Constatation permanente du lien entre le rêve et l'action. Il s'agit de comprendre les leçons nocturnes et de s'en servir pour mieux vivre. Tout à coup, en faisant tel geste, en me lançant dans telle entreprise, une brusque lueur m'indiquait que j'obéissais à un rêve. C'est à ces moments que j'obéissais à mon moi véritable. Pour l'individu solitaire, perdu dans le flux et le reflux des foules inconnues, parmi les attaques auxquelles il est sans cesse livré, dans le tourbillon des sensations et des pensées, il ne resterait pas une possibilité de conservation de soi-même si la nuit ne se chargeait d'effacer les intrigues et les obstacles, et de choisir pour lui ce dont il a besoin pour durer. S'il arrive à lire dans son rêve, il connaît le rôle qui lui est dévolu parmi les vivants. »

Maxime Alexandre, Cassandre de Bourgogne, Corrêa-Buchet/Chastel, 1939, pp. 146-147

C'est ce que je dis souvent, d'une manière plus prosaïque : LE SOMMEIL EST LE TIERS DE LA VIE QUI NOUS GUERIT.

Mais il n'est pas interdit - il est même piquant et vital - de chercher la clé de nos songes !