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Chaque fleur a son parfum.
Proverbe turc.
Calligraphie de H. Massoudy


Oui, murmurer – fût-ce au chéri qui n'existe pas – te susurrer dans le silence : " Je meurs de la soif d'aimer… je frissonne de te caresser… je vibre à ta voix… je recueille tous tes secrets… j'apaise ce gros souci que tu me confies… je masse ta nuque brûlante… je devance ton silence, je devine ta gêne (tu l'as écrit, et je l'ai souligné, "je ne suis pas bon au lit, trop doux et trop souple") mais, rassure-toi, je tremble moi aussi de peur devant la nudité de ton âme qui s'entrouvre et se donne, plus enivrante et indécente qu'un sexe d'homme qui se déploie… Et quand je dis "tu", l'auras-tu enfin compris, Poucet rêveur ? – ce n'est pas Otman exclusivement, même si ce vertige m'emporte en tourbillon, c'est tout Désir que j'invoque, l'Emotion que j'assiège, la Chair virile que je débusque. Même si l'on ne viole pas des archétypes, même si l'on n'étreint pas de purs concepts, même si l'on ne peut épouser l'identique. Ah ! Deux lèvres qui se baiseraient elles-mêmes… Tu me manques, chéri. Ton silence me fait mourir à petit feu. Et j'ignore où tu te terres, et pourquoi, en quel maudit désert ? Mais si tu n'existais pas, quelque part en Afrique, mon ange de gourbi, comment pourrais-je écrire une psalmodie d'amour. À qui ? À moins de faire le littérateur… Où puiserais-je la force, l'espoir, de semer dans ma nuit ces diamants insensés ? Pourquoi ? Pour qui ? C'est toi, petit, ma ballade à l'Inconnu, à Personne, à celui qui jamais ne me répondra parce qu'il ne le veut, ne le peut ou n'existe pas encore, trop tard ou bien trop tôt… pour toi seul, trésor des sables, ma complainte de gueux – car l'amour est mendiant – mais qu'importe, grâce à ces gribouillages, ma vie demain embraie, bondit, l'espoir palpite et jongle avec le soleil !

Extrait de "La lettre à Rachid", en libre lecture sur YouScribe.
Prix VEDRARIAS 2002.
Paru sous le titre L'Envol aux éditions H&O (Le premier Festin - Pour une littérature de la différence)