L'euthanasie (mort douce), voilà qu'on en reparle à l'occasion des Présidentielles, éternel serpent de mer en France. Souvent, on caricature notre association alors que ses statuts sont clairs et humanistes :

1/ promouvoir le droit de disposer de façon libre et réfléchie de sa propre personne.

2/ Faire reconnaître et rendre possible l'exercice licite du droit fondamental de choisir librement le moment et la manière de terminer sa vie selon ses conceptions philosophiques et morales.

3/ Faire respecter la dignité des personnes en prenant en considération les intentions qu'elles ont exprimées, afin qu'elles supportent la fin de leur vie dans les conditions souhaitées par elles, notamment par une lutte appropriée contre la douleur dégradante et par le droit au refus de l'acharnement thérapeutique lorsque ces mêmes personnes le jugent vain, et puissent obtenir corrélativement une aide active à une délivrance douce si elles en ont exprimé le souhait sans équivoque.
Si les réformes législatives et réglementaires entérinent prochainement ce doit, ainsi deviendront vaines en France des pratiques médicales clandestines et hypocrites. Ainsi seront considérablement diminuées la souffrance absurde des patients et l'impuissance de leurs proches face à un pouvoir médical parfois acharné à guérir à tout prix.
Ainsi seront sauvegardées la dignité et la liberté appartenant à chaque être humain quel que soit son âge, son sexe, sa religion ou son athéisme, et surtout son statut social car souvent, ce sont les riches ou les personnes ayant de l'entregent qui s'éteignent confortablement.

On trouvera ci-après la dernière page de mon roman « Le Messager » et la musique sublime de Richard Strass sur laquelle mon héros s'endort pour toujours. Est-il utile de préciser que Julius est mon double et que si j'ai la chance (?) d'échapper à une mort instantanée – car chacun d'entre nous peut décéder de deux façons, soit « tué sur le coup » soit au terme d'une maladie ou d'un vieillissement plus ou moins éprouvants – bref ma mort à la Julius sera, je l'espère, douce, harmonieuse, élégante volontaire… et le plus tard possible !

Car rien ne sert de mourir, il faut partir à point !





(…) Sursaut. Julius s'était-il à nouveau assoupi ? Sans doute, quelques minutes. Mais il n'est pas encore temps, pas tout à fait… La chambre est silencieuse. L'immeuble paisible. Julius s'étonne que Raphaël n'ait pas remplacé le disque pour choisir sa musique. À chacun son tour, c'était leur habitude. Avant… Le vieil homme s'est penché sur le côté. Mystère de la Nativité : le divin enfant dort. Une roseur béate. Plus la moindre ravine sur son visage lisse. Le souffle est régulier. Son flanc monte et s'abaisse. Julius a remonté le drap jusqu'à l'épaule nue. Chut !

C'est le moment. Chaque rôle est tenu. Chaque chose à sa place. Surtout ne pas mollir, ne pas s'attendrir. Tout serait à reprendre… Vite et bien. Vite fait, bien fait. « Ce que tu as à faire, fais-le vite. » Parole à l'Iscariote, selon l'évangéliste au chapitre treizième.

Julius ceint les écouteurs. Il appuie sur Play. A tâtons, il cherche son viatique sous l'oreiller. Déjà les cordes s'embrasent… Il décapsule soigneusement la fiole. Tremble-t-il ? À peine, peut-être d'impatience. Il a tant convoité cet instant. L'instant-éternité. Il a pris la main du dormeur. Elle est tiède et molle. De l'autre, il porte à sa bouche. Il avale d'un trait. (le toubib a forcé la dose au cas où…) Malgré l'amertume, Julius se sent immédiatement soulagé. Réconcilié. Comblé : contre son flanc, un ange dort, lové. Et une voix de femme les berce, sa divine Élisabeth...

Tout ouïe, le regard affûté, Julius sonde la nuit qui pénètre ses os.

La nuit.

Le froid.

Sa liberté.



Wir sind durch Not und Freude


gegangen Hand in


Hand,



vom Wandem




u h e n wir





ü b e r m s t i ll en ....








Land....







Extrait du Messager, pages 217-219, H&O, 2003.



Cliquer sur le lien ci-dessous pour écouter le dernier lieder de Richard Strauss interprété par Élisabeth Schwarzkopf :

Oh, quiétude silencieuse et infinie
si profonde dans le crépuscule !
Comme nous sommes las d'errer...
Serait-ce déjà la mort ?

http://youtu.be/pA4C_P0HXOs