J’AI CUEILLI CETTE FLEUR POUR VOUS SUR LA COLLINE
Par Michel Bellin le dimanche 10 juillet 2011, 11:07 - Lien permanent
Je déteste les brocantes, j'ai horreur de bibeloter, je ne collectionne aucune photo jaunie… Seul « le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui » (Mallarmé). Mais je ne déteste pas conserver, rares spécimens sur mes étagères, quelques bricoles touchantes qui incarnent pour moi au quotidien une amitié, une présence aussi discrète qu'éphémère peut-être… Par exemple, posée devant mon téléviseur (monstrueux meuble inutile que je ne branche qu'une demi-heure par semaine !), cette photographie de fleur prise par une amie fidèle. Au dos, quelques vers de Victor Hugo que sa main appliquée a recopiés pour moi, en changeant ici ou là, pour les adapter à notre lien particulier, tel pronom ou telle infime rime… On a le droit quand on aime ! J'aurais souhaité illustrer ce poème par une icône de fleur mais laquelle ? J'avoue mon ignorance : quelle fleurette intrépide fleurit au creux du rocher, sur la falaise escarpée, au-dessus des flots mugissants ? S'il s'agit de montagnes, je n'ai aucune hésitation : sans conteste l'edelweiss ! Mais là, sur la falaise, au-dessus de l'océan déchaîné ? Merci, ami(e) internaute, de me suggérer la juste illustration - qui puisse rimer avec les glauques goémons !
J'ai cueilli cette fleur pour toi [pour vous] sur la colline
J'ai cueilli cette fleur pour toi [pour vous] sur la colline.
Dans l'âpre escarpement qui sur le flot s'incline,
Que l'aigle connaît seul et seul peut approcher,
Paisible, elle croissait aux fentes du rocher.
L'ombre baignait les flancs du morne promontoire ;
Je voyais, comme on dresse au lieu d'une victoire
Un grand arc de triomphe éclatant et vermeil,
À l'endroit où s'était englouti le soleil,
La sombre nuit bâtir un porche de nuées.
Des voiles s'enfuyaient, au loin diminuées ;
Quelques toits, s'éclairant au fond d'un entonnoir,
Semblaient craindre de luire et de se laisser voir.
J'ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée [pour vous, très cher Michel.
Elle n'a pas la couleur du soleil ou du miel ;]
Sa racine n'a pris sur la crête des monts
Que l'amère senteur des glauques goémons ;
Moi, j'ai dit: Pauvre fleur, du haut de cette cime,
Tu devais t'en aller dans cet immense abîme
Où l'algue et le nuage et les voiles s'en vont.
Va mourir sur un coeur, abîme plus profond.
Fane-toi sur ce sein en qui palpite un monde.
Le ciel, qui te créa pour t'effeuiller dans l'onde,
Te fit pour l'océan, je te donne à l'amour. -
Le vent mêlait les flots; il ne restait du jour
Qu'une vague lueur, lentement effacée.
Oh! comme j'étais triste au fond de ma pensée
Tandis que je songeais, et que le gouffre noir
M'entrait dans l'âme avec tous les frissons du soir !
Victor Hugo