« Quand vous aimez vraiment quelqu'un, que ce soit sous la forme de l'amour passion, ou que ce soit l'amour des enfants, vous vivez dans l'amour l'épreuve de la sacralisation de l'autre. Il devient sacré au sens où vous pourriez à la limite donner votre vie pour lui s'il était menacé. Vous faites ainsi l'épreuve d'une transcendance de l'autre, mais cette transcendance vous ne la ressentez pas dans le ciel des idées ou dans la religion, vous ne la ressentez nulle part ailleurs qu'en vous-même. Partout, dans toutes les langues, elle est là, cette métaphore du cœur. C'est une transcendance laïque en quelque sorte, la première grande définition de la vie bonne qui ne passe ni par la foi ni par Dieu. Oui, nous aimons plus que jamais. C'est le tragique de la condition de l'homme moderne. Le grand thème de la philosophie grecque a été de dire que la vie bonne est la vie qui accepte la mort, qui a vaincu les peurs, et qui est capable de vivre au présent. Le sage est celui qui n'a plus peur de la mort et qui est capable de se réconcilier avec l'être.

Après la guerre de Troie, Ulysse va mettre 10 ans à rentrer chez lui car il a crevé l'œil du cyclope, fils du terrible dieu Poséidon. Lequel va essayer de lui faire oublier le sens de la vie, le sens de son voyage, qui va de la discorde et de la guerre à l'harmonie et à la paix, à Ithaque où l'attend la fidèle Pénélope. Ulysse met alors le pied sur une île où se trouve une divinité sublime, Calypso. Elle tombe, raide, folle amoureuse de lui : si tu restes avec moi, lui susurre-t-elle, je t'offrirai la jeunesse et l'immortalité. Promesse chrétienne avant la lettre ! Ulysse refuse cette promesse alors qu'il a vu la mort de près et visité les enfers. Il quitte la nostalgie et renonce à une fausse espérance pour choisir le présent. Il pense qu'une vie de mortel réussie est préférable à une vie d'immortel ratée. C'est le début de la philosophie. »






Ulysse et sa nymphe