7h 28 ce samedi matin 7 août 2010. Un rêve vient de m'éveiller. Je suis abasourdi et consterné. Nu dans mon lit, j'en tremble encore.



C'est le jour de mon ordination épiscopale. La cathédrale est bondée, l'air saturé d'encens et de lumière. Première séquence : je me retrouve au milieu de l'allée centrale. Engoncé sous une incroyable chasuble de forme conique comme celles qu'on peut voir dans la séquence célèbre de « Fellini Roma ». Sous ce vêtement empesé et rigide, pas moyen de faire le moindre mouvement : je ne peux même pas faire bouger mes mains paralysées le long de mon corps. J'essaie mais en vain : je suis incarcéré. C'est gênant et ridicule. Tous les yeux sont braqués vers moi, avec une admiration et une vénération intenses. Un tailleur s'est approché, très déférent, et il prend avec soin mes mesures devant la foule, en les notant sur un calepin. J'ai honte. Il me sourit et me dit que mes mensurations sont parfaites. Puis, seul, je rejoins la sacristie pour préparer la procession d'entrée.

Au passage, j'aperçois mon père et ma mère noyés dans l'assistance. Ils n'occupent pas une place d'honneur au premier rang mais sont dans la seconde moitié de l'église, dans la nef gauche, perdus dans leurs dévotions, surtout ma mère, les yeux clos. Je passe devant eux, toujours engoncé dans ma chasuble d'apparat, mais ils ne me voient pas.

Dans l'immense sacristie, perdu au milieu de mes confrères (prêtres et épiscopes également déguisés), je tourne en rond. Le stress monte. Impossible de me remémorer le début du Gloria in excelsis deo que je dois entonner dans quelques minutes. Toujours pas moyen de bouger. J'ai néanmoins pu me délester de l'horrible chapeau rose à larges bords, rutilant et empanaché (pas la mitre pointue, le chapeau que Benedetto porte lorsqu'il voyage). Quelques prêtres s'approchent de moi, ils sont souriants, semblent vouloir m'encourager (je reconnais l'abbé Paul M***, mon professeur de 6ème, celui qu'on appelait méchamment Caillon (porc, en argot savoyard). Le père D***, ancien Supérieur (vaguement pédophile), devenu lui aussi évêque, me regarde d'un sale œil. On dirait qu'il me jalouse. Je continue de tourner en rond dans la sacristie bruissante, à petits pas, ne pouvant me déplacer avec cette maudite chape de plomb doré que je souhaiterais tellement pouvoir ôter ! Je murmure la formule d'accueil que je vais devoir prononcer devant le maitre-autel. Elle me semble froide, convenue. « Chers frères, chers sœur, nous voilà tous réunis dans la Paix du Seigneur… » Il faut à tout prix que je trouve une formule plus vraie, plus chaude !

Une rumeur se fait jour et m'inquiète. Je l'entends enfler autour de moi mais les sourires des prêtres sont toujours aussi engageants. On dit qu'une grosse manif se prépare devant la cathédrale. Certains veulent protester durant la cérémonie car je suis un candidat indigne. Mais il faut que j'y aille, c'est l'heure, il faut que je récupère mon chapeau sur le meuble de chêne où j'ai réussi à le déposer. Voilà qui est fait. La procession se met en place dans la sacristie. C'est moi qui dois entrer en dernier. Je ne parviens toujours pas à retrouver ce maudit air du Gloria. Mon cœur bat, bat… je me réveille. Je reste hagard, incrédule, comme paralysé dans ma mezzanine puis je dégringole vers mon ordi.

Il est 07h 50. Je viens de noter fidèlement sur mon bréviaire, pardon, sur mon écran le moindre détail de ce foutu rêve épiscopal. Le plus infime détail est véridique, la moindre nuance de mes sentiments (orgueil, panique, honte, joie, soumission…). J'en tremble encore.

Papy Sigmund, à l'aide !