Dans ma chronique d'hier (écrite à la mémoire des victimes de l'ouragan Katrina), j'espère délassante néanmoins, j'ai invité mes concitoyens, qu'ils soient bleus, blancs, rouges, roses ou verts, à se détendre, à se lâcher et à accepter les conclusions émancipatrices de cette toute nouvelle science qu'est la Flatuologie, un des fleurons les plus explosifs de la Recherche française. Je poursuis et termine aujourd'hui mon apologie, sans visée préélectorale (comme qui vous savez) mais à forte connotation écolorectale.

Je ne suis pas peu fier d'annoncer tout d'abord que je viens d'achever ma thèse de Flatuologie fondamentale. J'en ai déjà proposé un extrait significatif au Monde (pour sa rubrique Enquête & Décryptages) ; pour le moment, ils réservent leur réponse. Par contre, Science et Avenir s'est jeté sur l'essai comme sur du pain béni, ainsi que Géo, L'Écho des Savanes et même le Figaro Monsieur : enfin la Flatuologie à la portée de toutes les bourses ! (avec triple DVD Blu-raie dans l'édition du week-end). Oui, oui, par avance j'en suis tout excité, un scoop scientifique, une avancée ré-vo-lu-tion-nai-re !

Tant d'efforts qui vont enfin être récompensés à l'automne 2010 lors de la parution de bonnes feuilles dans les prestigieux magazines précités ! Imagine-t-on les mois de labeur, toutes ces heures passées à la BNF, les tonnes de documents visionnés et jusqu'à une interview exclusive de Munroe Scott au fin fond du Népal ?! Ce bagne pour une thèse en béton - LA thèse – que j'ai intitulée : « Himalaya danger : High Altitude Flatus ».

En fait, ma démonstration s'appuyait au départ sur une recherche consacrée au mal aigu des montagnes. Cette étude (2007) décortique, observations cliniques et examens médicaux à l'appui, les effets de l'altitude sur l'organisme humain (lieu de l'observation : la fameuse "zone de mort" que constituent les 7000-8000 mètres). Hélas une mission pseudo scientifique et au final décevante puisque, dans cette enquête pluridisciplinaire qui se voulait exhaustive, un paramètre de premier ordre a été négligé par excès de pudeur. Une omission soufflante ! D'où mon effort pour rétablir la vérité et, conséquemment, rectifier courbes et statistiques.

Trêve de précautions oratoires sur la genèse de l'œuvre, voici la thèse que j'avance - et que contestent, comme toujours, les négationnistes de tous bords : LES FLATUS HIMALAYENS, D'UN STRICT POINT DE VUE ÉCOLOGIQUE ET GÉOPOLITIQUE, SONT LES ACCÉLÉRATEURS N°1 DE L'EFFET DE SERRE. À la base de mon cri d'alarme, cette simple constatation qui n'est niée par aucun chercheur mais qui est régulièrement passée sous silence dans les médias : dès 3500 mètres, le circuit intestinal chez l'être humain s'inverse et les gaz du sang, du fait de la pression atmosphérique, passent directement dans le circuit gastrique (High Altitude Flatus). C'est ainsi que des études récentes ont démontré que chez les pilotes militaires leur production-heure de gaz intestinaux passe rapidement de 111 millilitres à 500 millilitres. Prodigieux, non ? Dangereusement exponentiel. Les montagnards quant à eux flatulent toutes les 11 minutes à partir de 7000 mètres, ce qui fait précisément dire à Scoot dans l'interview en question (page 3240 de ma thèse) : « Plus l'alpiniste monte, plus se renforce sa propulsion autogène. »

Mon étude se fonde aussi sur le phénomène des flatulences bovines : folles ou non, les vaches pètent, une moyenne de 4 à 5 m³ par jour et par animal. Tous les bovins s'expriment ainsi et c'est un signal fort. Connaissez-vous l'anecdote que vient de rapporter le très sérieux Times, dans son édition spéciale consacrée au réchauffement climatique ? Son correspondant dans le Kent a interviewé le n°1 du cheptel, un animal superbe et qui avait gardé une solide mémoire de la pandémie. Question du journaliste : l'éminent ruminant se sentait-il encore personnellement concerné et préoccupé par la progression de la maladie de Creutzvelt Jacob ? À l'aise devant le micro transgénique qu'on lui tendait, la vache, très british, a meuglé placidement en battant des cils : « Moi, je m'en fous, j'suis un canard ! » Hallucinant, non ? C'est dire la gravité du problème dans les prochaines décades, non seulement concernant la fragilité mentale des bovins, mais aussi la santé publique chère à notre Meu Meu Roselyne. Un problème que nul écolo sérieux ne conteste ni Hulot ni Duflot ni même Allègre, ce pourfendeur de mammouths (providentiellement surgelés, ces pachydermes dits curiaux ne menacent plus la biosphère de leurs bulles cycloniques).



Bref, ce qui est fondamental, ce ne sont pas les vaches pétomanes, ni feu la brebis Dolly, mais bien les conséquences environnementales des émanations sphinctériennes himalayennes, qu'elles soient humaines ou animales. Il faut imaginer sur les pentes de ce massif bientôt aussi fréquenté que la butte de Montmartre toutes ces exhalaisons sournoises et potentiellement dangereuses pour la couche d'ozone : quand on constate le nombre de yacks processionnant sur le tapis neigeux, quand on additionne les alpinistes, toutes nationalités confondues, qui bouchonnent en été le long des cordes fixes (« Chaque pas est une torture » gémit le directeur du CHU de Munich - que je cite dans mon étude - et qui a tenu à accompagner en personne les chercheurs), on imagine aisément que tout ce petit monde n'exhale pas que des plaintes ! L'heure est donc grave et le protocole de Kyoto plus que jamais impérieux.

Ce nonobstant, notre inquiétude environnementale ô combien légitime ne devrait pas entraîner de panique ni d'inhibition, encore moins de régression. On ne pourra plus revenir au black-out anal, au culte du secret, à une flatuophobie rampante, à cet assourdissant déni qui défraie régulièrement l'actualité de la part d'un parti unique en déroute, feu l'UMP (Union de la Minorité Pétocharde). Cette liberté fondamentale, si chèrement conquise par les Écologistes, singulièrement la jeune et pétulante Europe Flatuologie, ne peut donc pas être remise en question. Il nous faudra oser, innover, nous exprimer haut et fort, non seulement dans les forums, les blogs, l'espace public mais aussi - osons l'affirmer - dans les chambres à coucher. Car il y va non seulement de l'identité nationale des immigrés, principalement les Rebeus et les Roms, mais aussi et surtout de l'affirmation et de la fierté rectales chez TOUS les inhibés de la 1ère, 2ème ou 3ème génération, y compris bien sûr nos Auvergnats de souche réputés taiseux (y compris postérieurement) et dont la multiplicité en tout cas pose problème à notre ministre de l'Intérieur, farouche partisan de la déchéance de la nationalité française pour tous les pétomanes étrangers récidivistes ainsi que leurs parents jugés trop laxatifs, pardon, trop laxistes.

Dans la 1ère partie de ma chronique scientifique publiée hier sur ce blog, je me suis permis de revendiquer et surtout d'illustrer ce nouvel humanisme par les performances de l'ami Gaspard-Paul, éminent soliste devant l'Eternel, docteur ès alizées, Maître incontesté en la matière et zélé mystagogue. Souvenez-vous : ses prouts furent à notre cantilène amoureuse ce que la goûteuse madeleine est à Proust, une sensation puis une remémoration enfin une sublimation. Et puisque, pour être valide, un témoignage doit être double, j'appelle aujourd'hui à la barre un autre de mes amis, un grand pro du lyrisme pyrotechnique décomplexé : j'ai nommé Isidore.

Par souci de décence ici, et pour aller droit au but, délaissant le prélude debussyste ou le double concerto brahmsien, je veux d'emblée en venir à la péroraison du dernier mouvement, le plus poignant, celui de la symphonie Résurrection quand retentit sempre crescendo Auferstehn, ja auferstehn wirst du, mein Herz, in einem Nu ! Durant ce final mahlérien, tandis qu'Isidore avant-hier me défonçait le balafon dans le Bois de Boulogne, il pétait, pétait, pétait polyphoniquement, à l'unisson avec ses coups de boutoir. Et, comme avec Gaspard dans le Marquenterre, nous riions en chœur dans les serres d'Auteuil à en perdre le souffle ! Nul répit pour mon tambourinaire, double carburation : rugissements par-devant, explosions par derrière tandis que sa bouche lippue chantait, chantait, psalmodiait le prodige : « A ita ti m'bi, mifelo tou n'ba, mifelo tou n'ba ! » Et nous roulions tous deux sous la tornade, enchevêtrés, vibrant sous le djembé qui martelait sa joie.

Durant ces ébats, je vous assure, j'en oubliai l'écologie, la politologie, le grand chassé croisé du 1er août et même les insipides reliefs de feu la Théologie de la Libération. C'est dire notre compulsion ! Ce qui me ravit surtout - et c'est par là que je terminerai ma thèse (à paraître début septembre aux Editions du Zéphyr) et aussi cette chronique bis - ce furent les tout derniers mots d'Isidore; l'estocade, "la" petite phrase, celle qui emporte l'adhésion, l'ultime envolée des discours électoraux quand la Victoire est à la portée des burnes. Une telle ingénuité heureuse chez cet homme, une telle libération postérieure, une si tonitruante exultation ! Ce pourrait être notre cri de ralliement à nous tous, groupies et adeptes de la vesse en liesse. À quand notre Fart Pride ? Ce jour-là, à pieds ou sur des chars, femmes girondes et éphèbes callipyges, toutes et tous libérés du trou de balle, heureux et fiers de l'être, manifestant pacifiquement entre Nation et l'Etoile contre tous les tenants obscurantistes de la flatuophobie, nous pourrions une fois l'an pétarader en chœur en faisant monter vers les cieux notre hymne tonitruante !

Bref, foin de lyrisme républicain, pour en revenir à Isidore, mon grand black avait varié longuement les plaisirs, sans se presser, modulant savamment ses allègres détonations jusqu'à cet instant - j'en fus pétrifié - où soudain jaillit dans mon dos le cri légendaire : l'appel de la brousse [1]. Là, dans les serres d'Auteuil (notre fantasme nous y avait poussés par effraction le jour de fermeture hebdomadaire), sous l'imposant dôme de verre et d'acier, dans un entêtant camaïeu d'azur et de turquoise; dans une ivresse de chlorophylle exhalée et un troublant entrelacement tactile, tout le palmarium frémissant autour de notre chair en rut depuis les buissons d'Asplénium nidus jusqu'à la cime du Carypha umbraculifera ; là, dis-je, au moment de son ultime et formidable déflagration, voici qu'Isidore (dédicataire de ma thèse, faut-il le préciser !) fut décidément impérial et implacable jusqu'au bout : se redressant en nage dans mes reins, il s'écria - fantastique retour aux fondamentaux et à leur densité lexicale, touchante évocation de l'Eden et du retour à Bonne Nature, éclatant point d'orgue d'une Flatuaologie moderne, résolument altermondialiste, existentielle et solidaire - ce récurrent vivre ensemble si cher à la Première Secrétaire... bref, mon Isidore-Johnny conclut hilare par cette péroraison en forme d'accord parfait :


« Toi, Jane ; moi, Tarzan. Nous deux, très heureux ! Y'a bon : quand ki ki content, cul cul tam-tam !!! »


[1] Jugée trop détonante, cette scène dite « séquence des serres d'Auteuil » a été coupée au montage final de Tarzan, the Ape Man à la demande de l'actrice Maureen O'Sullivan, la partenaire de Johnny Weissmuller - en fait jalouse de Cheeta. On attend sans trop y croire une version intégrale enfin restaurée, avec les prouts de l'Homme-Singe en 3D et dolby surround (sortie prévue au printemps 2011).