Il s'agissait du comédien Frédéric Jeannot interprétant le rôle de Raphaël.Ci-dessous un extrait (monologue) de la pièce Raphaël ou le dernier été :






SCENE 6

Julius se tient pensif devant son piano à queue. Raphaël vient de lui demander naïvement de lui jouer un air de Mozart qu'il a choisi pour son téléphone portable. D'une seule main, le vieillard pianote chacun des deux thèmes de Mozart. Sans beaucoup de rigueur ni de conviction. Puis il rejoint son fauteuil en soliloquant.

JULIUS - La Marche Turque ! Il en a de bonnes, Raph ! Et pourquoi pas la Campanella de Liszt pendant qu'il y est ! Dire que je pouvais jouer les Douze Études d'un trait… C'était il y a un siècle, quand j'avais encore des doigts… et un dos pour me tenir assis. Et un cœur pour me laisser aller, croire encore à la beauté, croire que je pouvais la sculpter ! (songeur) Moi qui rêvais à dix ans de devenir le Roberto Benzi-bis ! L'enfant prodige devenant le chef d'orchestre adulé ! On allait voir ce qu'on allait voir. Mais je n'avais pas l'étoffe. Julius Minus n'était pas à la hauteur, bien sûr. Trop docile, le petit séminariste, trop timide, trop dilettante, et les bons pères ne l'auraient pas permis… d'ailleurs ils ont vite remplacé le piano profane par l'orgue liturgique. (un silence) Il n'empêche… Juste pour faire plaisir au gosse. (Julius chantonne l'air du morceau.) Faudrait que j'essaie de m'y remettre. Je devrais peut-être y arriver. Mais ce n'est pas gagné…

Julius se lève et retourne vers le piano. Il se décide à jouer avec application la mélodie de Mozart avec la main droite. Un silence. Idem pour les accords de la main gauche. Nouveau silence.

Julius referme rageusement le couvercle.

Claquement du couvercle.

[NOIR sec]


Extrait de AMOUR(S) Trilogie théâtrale de M. Bellin, l'Harmattan, 2010.