Dans quelques heures, ce sera mon 8ème et dernier périple. En effet, à la mi-août l'Ami rejoint la mère patrie … avant de repartir, j'espère, pour une autre destination lointaine, aux Antilles ou en Afrique. Comment en effet ne pas lui souhaiter un nouvel exil tant l'Hexagone pue ! Et puis, s'il ne s'éloignait pas, comment connaîtrais-je à nouveau ces échappées érotico-exotiques loin de chez moi et au plus près de lui, au plus intime, contre sa peau dorée et son sceptre brûlant ! Car l'homosensualité par intermittence, c'est vraiment ce qu'on fait de mieux, de plus fort, de plus drôle, de plus goûteux ! L'acmé du plaisir réside bel et bien dans son attente, sa célébration différée et par avance salivée. Il s'agit d'imaginer, d'anticiper, de se projeter… mais sans cesser de savourer un seul instant, une seule miette de l'ineffable et essentiel présent. Seul ‘hic et nunc'. Demain… peut-être… ensemble inch Allah ! C'est cet indispensable écart qui est piquant et délectable, cet étirement, cet écartèlement du Temps tandis qu'ascensionne le désir. Le Temps ne passe pas plus vite, ni plus lentement, mais devient autre ; avec un fort coefficient d'attente espiègle le rendant à la fois plus dense et plus ténu, plus vraisemblable d'heure en heure et plus aléatoire si par malheur... C'est mon présent, pour le moment banal et encore machinal qui, peu à peu, va se transmuer en notre présent brûlant (40° annoncés pour dimanche !)… présent qui à son tour passera et deviendra passé… passé décomposé mais jamais oublié… pour se transmuer à nouveau en quotidien morcelé, lui là-bas, moi ici, solitude plénière et anamnèse éblouie. Présence-évidence. Absence puis reconnaissance. Fragments de ce type de rencontre humaine qui ne peut pas se réchauffer comme un vulgaire ragout ! Souvenir voluptueux d'une rencontre qui fut amicale, conviviale, mentale et génitale, exceptionnelle et banale. Et c'est déjà demain ! Une rencontre de plus en moins… En attendant, ollé ! me préparer psychiquement, m'habiller le cœur aussi. Peaufiner en même temps le corps car, même à 60 ans, la peau garde sa noblesse et le sexe ses prérogatives ; il convient donc de l'embellir au mieux par de menus soins de gommage et de désherbage et, me concernant, par ce défi (ô combien coûteux pour un adepte de l'autoérotisme !) de continence préparatoire : économiser par avance et accumuler le plus de munitions possibles ! Tout cela est somme toute sans importance, plaisant et dérisoire, puéril et charmant, excessif et très disproportionné donc bandant ! Et hautement philosophique car « si l'on bâtissait la maison du bonheur, la plus grande pièce serait la salle d'attente ». Sauf, cher Jules Renard, qu'il ne s'agira pas là-bas de Bonheur, simplement de chair et de bonne chère et aussi de fou-rire, bref de pur bien-être !