Je célèbre aujourd'hui celle qui est à mes yeux et pour mon cœur la Reine des fleurs. Mais, pour être sincère, n'aurais-je pas dû écrire mon Empereur ? C'est dire, concernant Hippeastrum, s'il s'agit d'un vrai problème (national) d'identité : l'amaryllis incarne-t-il (elle) la délicatesse féminine ou l'élan homosensuel ? Mais à quoi bon tourner autour du pot ! Est-ce si important que cette fleur soit un archétype mâle ou femelle de 1ère ou 3ème génération ? Ça ne vous fait ni chaud ni froid, n'est-ce pas ! Moi, ça me fait torride et je veux défendre mon option et l'illustrer ici. Car ce qui est jeu, soyons francs, ce n'est pas tant la couleur de la corolle (quoiqueue !) mais la miraculeuse et impériale ascension de la tige à partir d'un oignon exotique basané. Certes, dira un esprit chagrin préférant les corolles roses de l'amaryllis. C'est son choix, rien à redire même s'il me semble plus naturel de laisser le rose... aux roses et l'écarlate à Hippeastrum.

En fait, quand on adopte une fleur, qu'on la chérit, qu'on l'admire, qu'on guette son développement (2 photos quotidiennes sont à peine suffisantes pour immortaliser sa croissance arrogante - 48 cm l'an passé !) est-ce à cause de l'étymologie ? N'est-ce pas plutôt par une connivence secrète, une vraie tendresse teintée d'anthropomorphisme poétique ? N'est-ce pas surtout parce que c'est cette plante-ci qu'on aime offrir ? Et à ce sujet, je dois bien avouer que ma pratique est ambivalente, pour ne pas dire consensuelle. C'est ainsi que je viens de faire livrer à une très chère amie, chrétienne en capilotade qui se meurt en province d'une dépression chronique, un oignon d'amaryllis. Pour la réconforter, j'aurais pu lui offrir une bougie, une bible voire une brassée de roses - ce que je fais parfois. Non, ce fut ce pauvre oignon qui allait sous ses yeux peu à peu ascensionner ! Et pour accompagner mon présent ces quelques mots : « Connais-tu, chère N*, ma fleur préférée ? Suis chaque jour sa croissance, pour raviver ton espérance ! ».

Exemple vécu a contrario : il y a peu, j'ai gagné les Émirats. Quelles ruses de sioux il m'a fallu pour cacher ma favorite dans mon bagage cabine, consolider et arrimer le pot, surtout détourner l'attention du contrôleur ! Après 6000 kilomètres en avion puis 12 heures en 4X4, dès qu'il a ouvert la boîte artisanale, ôté cales et cartons, toujours plus intrigué, plus excité, j'ai vu dans ses yeux à quel point ce modeste bulbe était pour mon Amoureux en exil le plus fabuleux des présents ! Et la suite, dans notre inoubliable Qars Al Sarab perdu au milieu des sables, fut à la hauteur de notre commune passion pour la… bitanique !