C'est parce que nous sommes nombreux à souffrir votre règne, Sire, que j'ai entrepris de le raconter depuis son aurore, afin qu'en demeurent les péripéties et, oserais-je le dire, une manière de trace. Dans un premier volume de cette chronique, j'ai évoqué Votre Grandiose Installation sur le trône encore chaud du roi Chirac et les six mois bouillonnants qui suivirent. J'y brossai, comme à la paille de fer, les figures les plus cinglantes qui formaient votre Cour et relatai la bousculade calculée des événements qui plongèrent un pays dans la stupeur, puis dans le stupide. Je redoute, Sire, de vous parler aussi ouvertement, mais ce Livre II va chanter une nouvelle chanson, puisqu'il s'ouvre sur les fissures qu'on aperçut bien vite craqueler la façade de votre bel édifice, et sur le réveil du populaire engourdi par vos tours et vos atours. La plume m'en tremble entre les doigts, mais Votre Compulsive Grandeur doit comprendre que, selon les lois de la nature et celles de la politique, la pluie succède au beau temps. Voici venue pour Votre Omnipotence la saison des orages.

Patrick Rambaud, Deuxième chronique du règne de Nicolas 1er, Grasset, 2009.