XIV

Ô mes amants,
Simples natures,
Mais quels tempéraments !
Consolez-moi de ces mésaventures,
Reposez-moi de ces littératures,
Toi, gosse pantinois, branlons-nous en argot,
Vous, gars des champs, patoisez-moi l'écot,
Des pines au cul et des plumes qu'on taille,
Livrons-nous dans les bois touffus
La grande bataille
Des baisers confus.
Vous, rupins, faisons des langues en artistes
Et merde aux discours tristes
Des pédants et des cons
( Par cons, j'entends les imbéciles,
Car les autres cons sont de mise
Même pour nous, les difficiles
les spéciaux, les servants de la bonne Eglise
Dont le pape serait Platon
Et Socrate un protonotaire
Une femme par-ci, par-là, c'est de bon ton
Et les concessions n'ont jamais rien perdu
Puis, comme dit l'autre, à chacun son dû
Et les femmes ont, mon Dieu, droit à notre gloire
Soyons-leur doux,
Entre deux coups
Puis revenons à notre affaire).
Ô mes enfants bien-aimés, vengez-moi
Par vos caresses sérieuses
Et vos culs et vos nœuds régals vraiment de roi,
De toutes ces viandes creuses
Qu'offre la rhétorique aux cervelles breneuses
De ces tristes copains qui ne savent pourquoi.
Ne métaphorons pas, foutons,
Pelotons-nous bien les roustons
Rinçons nos glands, faisons ripailles
Et de foutre et de merde et de fesses et de cuisses.


Paul Verlaine, Poèmes érotiques, Hombres, Librio, 1998

Les derniers mots de Jean-Daniel sur son blog :

Ma révérence
mercredi 23 avril 2008

A tous mes amis, mes détracteurs et les autres.
Lorsque vous lirez ces mots, j'aurai posé la caméra, éteint les lumières, baissé le rideau et tiré mon ultime révérence. Puissent les efforts et le travail de toute une vie, concentrée sur la recherche de cet instant de vérité pure qu'est la communion sublime de deux êtres envoûtés par l'indicible désir de l'autre, inspirer mes héritiers de cœur.
L'être humain est ainsi fait qu'il ne se souvient que du bon et que du beau, je partirai donc l'esprit libre et la tête emplie d'une myriade de jeunes hommes tantôt solides et vigoureux, tantôt fragiles et sensibles. Tous m'auront offert ces moments inoubliables de leur plus tendre intimité, ces instants qu'il est donné à peu de connaître mais que je vous aurai contés en image pour vous permettre de les admirer sans compter.
Jamais la réussite ni la fortune personnelle ne furent mon credo. Vous m'offrez la reconnaissance, je vous en remercie car je n'aspire à rien d'autre. Cadinot vous salue, souvenez-vous d'un bonhomme observateur à l'extrême avec ses coups de gueule et ses contradictions mais à l'écoute des autres et tout plein d'amour.

«Un phallus dressé est un symbole de vie, une croix est un symbole de mort»

Jean Daniel Cadinot, photographe et cinéaste, s'est éteint le 23 avril 2008 à l'âge de 64 ans à la suite d'un arrêt du cœur.