À L'AMI QUI SE MEURT

Pour Cyrille Collard, décembre 1991


Frère, poète, ami…
Alors que ta chair fripée comme une baie séchée
Achève de suinter ses putrides abcès,
Alors que ton souffle trop court
Halète son impuissance et sa soif de survivre,
Que ta verge épuisée s'étiole entre tes cuisses
Et qu'aucune caresse ne vient plus éveiller
La vigueur épuisée de ton membre affamé…
Alors que ta dextre décharnée, épuisée,
Ne peut plus s'accrocher aux étreintes farouches,
Que ta bouche gercée ne sait plus s'entrouvrir
Aux baisers passionnés de l'ado conquérant,
Alors que l'œillet de ton cul accueillant
Ne s'épanouit plus aux assauts redoublés
De cet amant d'un soir,
Quand les beautés sauvages de ton corps glorieux
Se fanent à jamais en d'obscurs crépuscules,
Tu gardes inaltérée
L'innocence du regard !
Ô ce regard passionné d'infini !
En quête d'un ailleurs sur la rive opposée,
Toi bel ange sauvage
Jeté en pâture aux clebs galeux du port
Infatigable pèlerin et des corps et des âmes
Qui pouvait sublimer le quotidien sordide
Plaisir neuf qui s'offre
Fraternité qui palpite
Prière qui se dévoile
au regard – fascination fugace du miroir terni
Où se figent à présent attente, désir, beauté, rire, douleur…
Pudeur brutale aux creux de tes nuits fauves
Quand ton désir brandi dans le silence complice
Ouvrait des horizons lourds d'ambiguïté
Et de no futur !
Gerbe de tendresses inouïes
Qui osent, se réservent, explosent, jamais ne se préservent…
Tant était fort, jeune et fatal
Ton appel,
Tant nous brûle cette soif
D'une Terre Promise
Aussitôt compromise
Eternité
Douce
Et à jamais glacée
Pour toi,

l'ami, le poète, mon frère.

Bernard L.


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