« Aujourd'hui le monde entier est couvert de caméras. C'est pourquoi les sociétés sont surinformées. Si naguère la censure se distinguait par un déficit d'informations, elle se distingue aujourd'hui par une pléthore d'informations. Notre imagination n'est pas en mesure de gérer une telle masse de faits, ce qui produit un « bruit », une redondance d'information, difficile à décrire. Le citoyen de base n'est pas capable d'opérer une sélection ou de hiérarchiser les faits. (…) De même que naguère existait le comité central du Parti communiste, un « comité central » de l'information est en train de voir le jour. On assiste à une centralisation des grands réseaux médiatiques : de plus en plus d'informations se retrouvent entre des mains de moins en moins nombreuses. Le grand capital est en train d'accumuler les sources d'information, de réunir les réseaux de communication. »

Grand analyste des phénomènes historico-politiques dans le monde, Ryszard Kapuscinski a marqué son siècle par ses observations judicieuses. Correspondant pour l'agence de presse polonaise, il effectue de nombreux reportages sur les bouleversements politiques en Afrique dans les années 60 et 70, du Ghana au Soudan en passant par le Mozambique. Baroudeur, on le retrouve aussi en Bolivie. Quand il se pose dans son pays en proie à des coups d'états sans fin, Ryszard Kapuscinski garde l'œil averti du professionnel et ne se laisse pas duper par la propagande en vogue. Observateur de l'Iran, il couche sur papier ses réflexions sur ce pays dans 'Le Shah', en 1982, après avoir écrit sur l'Afrique dans 'Négus', en 1978, ou sur la guerre entre le Honduras et le Salvador dans 'Il n'y aura pas de paradis' la même année. Journaliste chevronné, spécialiste de l'analyse, rien n'échappe à son regard lorsqu'il se penche sur le communisme en Europe dont il publie les conclusions dans 'Imperium' en 1993. 'Ebène', qui traite de la politique en Afrique noire, est publié en 1998 et le consacre : il reçoit le Prix du meilleur livre de l'année, puis le Prix tropique du Sénat en 2002. En 2004, paraît son dernier ouvrage, 'Mes voyages avec Hérodote', dans lequel il entraîne le lecteur de la Pologne à l'Inde en passant par la Chine, explorant les différentes mutations politiques de ce monde. Atteint d'une grave maladie, il décède en 2007. Reconnu par ses pairs, dont Salman Rushdie, et bien que nommé plusieurs fois pour le prix Nobel, Ryszard Kapuscinski ne l'a pourtant jamais obtenu.