A… Elle.

L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l'œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres du soir,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratignée…
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou…

Et tu me diras : « Cherche ! » en inclinant la tête,
- Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
- Qui voyage beaucoup…


En wagon, le 7 octobre 1870


Arthur Rimbaud, Poésies, Bibliothèque de La Pléiade, 1963

Un mois plus tard :

(…) Je meurs, je me décompose dans la platitude, dans la mauvaiseté, dans la grisaille. Que voulez-vous, je m'entête affreusement à adorer la liberté libre, et… un tas de choses que « ça fait pitié », n'est-ce pas ?

A Georges Izambard,
Depuis Charleville, le 2 novembre 1870