CURE DE POÉSIETHÉRAPIE (19ème leçon)
Par Michel Bellin le vendredi 21 décembre 2007, 06:46 - Lien permanent
Depuis le 3 août dernier, avant chaque week-end et pour une quarantaine de rendez-vous hebdomadaires (si Pouet-Pouet me prête vie !) je propose à mes aficionados une cure de POÉSIETHÉRAPIE selon les recettes éprouvées de Jean-Joseph JULAUD. Un expert ! De quoi aller mieux tout en découvrant ou redécouvrant les plus belles pages de notre Littérature, émollientes ou roboratives suivant le cas. L'idéal – outre les bienfaits pour le mal concerné (migraine, mélancolie, éjaculation précoce, coliques néphrétiques, constipation, insomnie… mal d'amour !), serait d'apprendre par cœur chaque texte puisque la mémoire est un muscle bien trop négligé.
Je viens d'apprendre qu'une très chère amie est soudain abattue par une cruelle déprime. Une véritable tornade qui la laisse pantelante et désemparée… Elle à l'ordinaire si joyeuse, si pétulante ! Qui se serait douté ? Très chère M. ♥♥♥, je te dédie aujourd'hui ma thérapie du jour avec ma plus tendre affection !
Je viens d'apprendre qu'une très chère amie est soudain abattue par une cruelle déprime. Une véritable tornade qui la laisse pantelante et désemparée… Elle à l'ordinaire si joyeuse, si pétulante ! Qui se serait douté ? Très chère M. ♥♥♥, je te dédie aujourd'hui ma thérapie du jour avec ma plus tendre affection !
19 – CONTRE LA DOULEUR
La douleur est une enfant terrible, ingouvernable, qui se promène en vous toute la vie.
Parfois, elle s'ensommeille pendant des mois, voire des années, puis elle s'éveille et s'installe dans la tête, quelques jours, pour une sarabande infernale. Elle s'évanouit. On la croit vaincue, morte, mais la voilà qui point dans les intestins où elle ondule, serpente et disparaît.
Un temps encore et la voilà triomphante dans la dent du fond, puis elle saute dans l'estomac, se niche dans le poumon, y laisse sa brûlure avant de vous sauter à la gorge.
Elle vous tient, elle ne vous lâche jamais. Alors, vous la traquez avec de l'acide acétylsalicylique, du paracétamol, des antidépresseurs, des somnifères, toutes ces diverses pilules aux couleurs si gaies.
Il serait si simple pourtant de l'apprivoiser, de l'adoucir, de la domestiquer, de l'asservir en quelque sorte.Le sonnet « Recueillement » de Charles Baudelaire permet de maîtriser n'importe quelle douleur, mieux même, de se la concilier, d'en faire sa compagne, sa moitié fidèle.
Ainsi, lorsqu'elle survient - qu'elle morde l'âme ou le corps- ce n'est plus une intruse, elle se glisse tranquillement dans les strophes, se dissémine dans les syllabes, se dissout. L'effervescence des mots la sublime.
RECUEILLEMENT
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
BAUDELAIRE
Notre conseil : Etant donné qu'on peut avoir besoin de ce sonnet n'importe quand, pour une douleur soudaine ou lancinante, il est préférable de l'appendre par cœur. Une lecture trois fois par jour pendant 15 jours permet de retenir le texte entier.
Chronique signée J.-J J.
alias Jean-Joseph Julaud, Ça ne va pas ? Manuel de poésiethérapie, le cherche midi éditeur, 2001