CURE DE POÉSIETHÉRAPIE (18ème leçon)
Par Michel Bellin le vendredi 14 décembre 2007, 05:56 - Lien permanent
Depuis le 3 août dernier, avant chaque week-end et pour une quarantaine de rendez-vous hebdomadaires (si Pouet-Pouet me prête vie !) je propose à mes aficionados une cure de POÉSIETHÉRAPIE selon les recettes éprouvées de Jean-Joseph JULAUD. Un expert ! De quoi aller mieux tout en découvrant ou redécouvrant les plus belles pages de notre Littérature, émollientes ou roboratives suivant le cas. L'idéal – outre les bienfaits pour le mal concerné (migraine, mélancolie, éjaculation précoce, coliques néphrétiques, constipation, insomnie… mal d'amour !), serait d'apprendre par cœur chaque texte puisque la mémoire est un muscle bien trop négligé.
Cette semaine, la voix officielle de la France t'a blessé les tympans ? La panse de Kadhafi farcie t'est restée sur l'estomac ? La fricassée de tétines bulgares t'a fait vomir toutes tes tripes ? Les brochettes de couilles de prisonniers politiques te sont restées au travers du gosier ? Et pour finir, le foie gras de la réception élyséenne et les petits fours du Ritz au milieu des amazones libyennes en treillis et des messieurs à rosette amnésiques t'a laminé les papilles ? Bref, à la veille du week-end, tu te sens brassé, dégoûté, privé de sensations fines, le cœur sur les lèvres et plein d'inappétence aiguë pour ne pas dire de dégoût républicain…Peut-être souffres-tu tout simplement d'agueusie ? La cure de poésithérapie - avec une nouvelle fois le maître queux Baudelaire - s'impose !
Cette semaine, la voix officielle de la France t'a blessé les tympans ? La panse de Kadhafi farcie t'est restée sur l'estomac ? La fricassée de tétines bulgares t'a fait vomir toutes tes tripes ? Les brochettes de couilles de prisonniers politiques te sont restées au travers du gosier ? Et pour finir, le foie gras de la réception élyséenne et les petits fours du Ritz au milieu des amazones libyennes en treillis et des messieurs à rosette amnésiques t'a laminé les papilles ? Bref, à la veille du week-end, tu te sens brassé, dégoûté, privé de sensations fines, le cœur sur les lèvres et plein d'inappétence aiguë pour ne pas dire de dégoût républicain…Peut-être souffres-tu tout simplement d'agueusie ? La cure de poésithérapie - avec une nouvelle fois le maître queux Baudelaire - s'impose !
19 – CONTRE L'AGUEUSIE
L'aigre, le sur, l'amer, le doux et le sucré, le fade, le douceâtre, le salé, l'épicé, l'âcre, le rance, le saumâtre, l'éventé, l'écœurant… Plus rien ! Et votre palais est devenu comme certaines galeries d'art moderne : le goût a disparu !
C'est venu d'un seul coup. Vous avez cru que l'insipide des jours vous jouait un mauvais tour : déjà incrusté jusque dans la moelle, il s'en allait faire un tour dans la poêle, volant la saveur du beurre, du bifteck, et des pommes rissolées.
Un peu plus tard dans la journée, après le déjeuner, vous vous êtes mis en bouche un digestif, un produit anisé, qui ressemble à l'ouzo trempé. Rien, toujours rien. Ce digestif était pipé.
Alors, très inquiet de vous-même, vous êtes allé consulter.
Et le praticien vous a dit : « Vous souffrez d'agueusie à tendance anosmique, c'est-à-dire que vous manquez de goût, complètement, et que vous sentez mal les choses. Mais je peux vous soigner : je tiens de mon ancêtre un remède efficace contre cette affection. Il était libraire, éditait Baudelaire qui était un homme de goût. Son sonnet « Correspondances » vous rendra le vôtre. J'en ai guéri bien d'autres en agissant ainsi. Plus que de pétrodollars, les hommes ont surtout besoin de poésie. »
CORRESPONDANCES
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme des hautbois, verts comme des prairies,
Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
Charles Baudelaire
Chronique signée J.-J J.
alias Jean-Joseph Julaud, Ça ne va pas ? Manuel de poésiethérapie, le cherche midi éditeur, 2001