On avait distingué toutes sortes de romans, mais jamais un auteur qui fût son propre éditeur. Plusieurs jurés défendaient bec et ongle ce lauréat potentiel : ce serait un succès de vente assuré et, surtout, la démonstration éclatante que le prix n'était pas la chasse gardée de quelques grandes maisons d'édition. Mieux qu'une petite, on consacrerait une non-maison.
D'autres jurés rappelaient que cet auteur n'écrivait pas lui-même ses textes : il avait un nègre, connu du Tout-Paris. Mais c'était leur seul argument, et ils finirent par renoncer. A 12h 30, chez Drouant, l'affaire était pliée. Soudain, un coup de téléphone vint tout remettre en question : cet auteur, apprenait-on, était aussi son propre imprimeur et s'apprêtait à vendre lui-même son livre à la criée. « Trop, c'est trop », murmura la présidente. Les autres jurés acquiescèrent. Nicolas Sarkozy en serait pas Prix Goncourt 2007.

Robert Solé, billet dans LE MONDE