Pendant ce temps, les boys se terrent dans leurs bunkers, attendant des jours meilleurs. Plus de 3000 d'entre eux ont déjà payé un lourd tribut à la boucherie de Bush qui continue, impavide, à déclarer que la Démocratie l'emportera. C.Q.F.D.

Et je relis un de mes auteurs préférés car, même voleur et pédé, le Poète brandit des armes plus redoutables que celles de 100.000 guerriers surentraînés. « Américains, êtes-vous endormis ? Vous ne savez pas que le deuil n'a pas la même signification ici et là-bas. Ici, en Amérique, vous prenez le deuil dans le luxe et, quand un de vos blonds soldats est tué, mais tué pour de bon, de la façon dont ils savent tuer là-bas – cerveau éclaté, membres dispersés, sexes stupidement arrachés, fesses à l'air – la mère ou la veuve ira se choisir de longs voiles de crêpe qui sont une parure neuve et peut-être souhaitée, et la famille du soldat mort accrochera une petite étoile à la fenêtre de sa maison. (…) Et là-bas ? Eh bien, là-bas, c'est là-bas. Dans le cimetière que vous n'arrêtez pas de creuser sauvagement avec vos bombes, il n'y a pas de deuil. Il n'y a pas une seule famille qui se drape dans du crêpe et, pour elles, il n'y a plus d'étoiles dans le ciel. Pas une seule famille n'a plus la moindre place pour ce qui serait de l'affliction ; aussi la haine et la science de la haine supplantent-elles tout le reste dans leur cœur. (…) La prise de deuil là-bas implique une férocité encore plus grande, une témérité nouvelle, de nature à ébranler les fondements mêmes de votre moralité américaine. Etes-vous en train de rêver, fermiers de la libre Amérique ? »

Ce trop court extrait d'un article, intitulé « Un salut aux cent mille étoiles » (publié in extremis dans Evergreen Review après avoir été refusé par le magazine Esquire) fut écrit en septembre… 1968 à New York par un rebelle. Le Département d'Etat lui avait refusé un visa de tourisme pour « délit impliquant la turpitude morale. » Cet insoumis s'appelait Jean Genet. Il s'appelle… car, intact aujourd'hui, me blesse et me révolte l'impact de ses mots.